24/05/2014
Le panier de crabes
Quand je parle de mon goût pour le poisson et les fruits de mer, cela inclut bien évidement les crabes! Ici, est passée la saison du crabe des neiges (ou crabe de l'Alaska), une sorte d'araignée de mer, pour les français, bon marché ici au moment de la saison de pêche. Et puis il y a le homard. La saison va commencer. Ou a commencé d'ailleurs peut-être. On commence à en voir dans les viviers des magasins et des restaurants, même si ils doivent traverser le Canada (plus de 5000km, puisqu'ils sont pêchés dans l'Est du pays, de l'Est du Québec au New-Brunswick, à la Nouvelle Écosse et les Îles de la Madeleine). J'ai hâte de voir à quels prix ils seront vendus ici, et si je pourrai m'en faire cuire au moins une fois dans cette courte saison.
Ceci dit, c'est du terme utilisé par certains pour désigner le cancer dont je voulais parler aujourd'hui.
Je déteste cet usage. Je déteste cette façon qu'on les humains de masquer un mal par des artifices, de refuser d'affronter les difficultés dans leur nature crue, dans leur réalité, même brutale. Cela contribue je crois à réduire les possibilités de passer au travers au mieux.
Il est des gens avec le cancer dont l'entourage cherche à minimiser le risque de fatalité. Peut-être pour tenter de conjurer le sort, peut-être pour tenter de remonter le moral de la personne. Les psychologues sont unanimes sur le sujet. Cela n'aide pas la personne concernée (qu'elle soit atteinte d'une maladie, victime d'un drame ou passant au travers de difficultés).
J'ai passé à une époque de ma vie huit mois condamné à mort par les médecins. J'ai eu toutes sortes de réactions dans mon entourage; les "amis" qui disparaissent. Ceux-là, je les ai rayé de ma vie. Je n'ai gardé dans mon coeur que les belles choses qui en sont sorti. Dont une de mes plus proches amies, qui va probablement lire ce post à un moment où à un autre, et qui a été à cette époque d'un incroyable soutient. Alors, quand tu liras ceci, je t'embrasse au passage!
Dire à une personne qui vient de divorcer "mais non, regarde, je suis passé par là... tu verras, tu vas l'oublier et tu seras heureuse avec quelqu'un d'autre" ne vas pas l'aider! Dire "tu sais, même si je suis passé par là, je ne peux même pas imaginer ce que tu vis en ce moment. Mais tout ce que je sais, c'est que c'est le pire drame de ta vie actuellement. Qu'est-ce que je peux faire pour toi, pour t'aider?" sera beaucoup plus approprié. La personne déclinera probablement l'offre d'aide. Et les vrais amis chercheront la petite chose qui fera plaisir, qui fera vraiment du bien. Ne serait-ce qu'un petit mot disant l'appréciation que l'on a de cette personne...
Dire à une personne atteinte d'un cancer "Ah, ce maudit crabe... mais tu sais, pleins de gens s'en sortent. Il faut se battre, il faut y croire..." n'aura pas d'effet positif. Oh, peut-être cela nous soulagera-t-il.Peut-être que cela soulagera notre conscience également. Mais le malade, lui en sortira affecté D'ailleurs, on voit peu de cancéreux remplacer systématiquement le mot cancer par celui de crabe.
J'ai probablement une vision déformée de la chose, mais j'ai tendance à visualiser le pire dans ces situations. Que ce soit une situation qui m'affecte directement ou qu'elle affecte un proche. Quand je pars en mer, je visualise le fait que je ne reviendrai jamais au port. Cela me permet d'affronter les pires dangers avec sérénité. N'ais-je pas accepté en larguant les amarres la possibilité de ne jamais revenir. Alors que peut-il m'arriver d'autre, de pire...
Je suis toujours revenu au port! Jusqu'à présent...
Mais c'est vrai que quand l'on vient au monde, on n'a pas signé. Nos parents l'on fait pour nous... de facto. Et on est contraint par l'engagement qu'ils ont pris pour nous, pour le meilleur ET pour le pire!
J'ai perdu beaucoup de proches aux mains de maladies, de circonstances dramatiques. À chaque fois, j'étais convaincu que tout finirai bien. Alors, après avoir trop souffert, j'ai pris l'option d'accepter le pire dénouement. Et parfois, j'ai la chance que tout se finisse bien. Enfin, disons plutôt que parfois, je partage avec un proche un heureux dénouement.
Mais ce que je garde dans mon coeur, quel que soit le dénouement final, ce sont les nombreux "merci d'avoir été là...", les nombreux "merci, ça m'a fait du bien...", ou parfois juste les silence, et des larmes.
Je pense à toi Pierre. À ta bien-aimée qui m'a dit de tenir bon parce que je lui permettait de tenir elle aussi. Je revois ce dernier souffle de vie s'échappant de tes lèvre comme si c'était hier... Il y a si longtemps!
Où en étais-je... que de digressions aujourd'hui... Ah oui, le panier de crabes... les malades atteints du cancer...ceux qui ne s'en sortiront pas mais que l'on peut soulager par des mots appropriés...
Ma mère à un cancer.
18:05 Publié dans Haro sur les ogres | Lien permanent | Commentaires (6)