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21/10/2013

Voyage au coeur de ma tête...

Depuis 2006, mes épisodes dans la rue (jusqu'à 5 mois concécutifs) ont totalisé deux ans et demi. À chaque fois, le même schéma: Je déploie des efforts surhumains pour rentrer dans un moule qui me permette de survivre en société. Après quelques temps, les efforts dépassent ma capacité. Et c'est la rupture et le retour dans la rue.

Depuis le début, et aujourd'hui encore, je me considère sdf... de luxe car mes ressources mentales, cérébrales, dépassent celles la moyenne des sdf dont je croise le chemin dans la rue. Elles dépassent paradoxalement celle de la majorité des gens dans certaines sphères. C'est ce qui laisse les professionnels qui m'ont évalué perplexe. C'est pour cela que j'ai eu tant de mal à me faire diagnostiquer. Rien ne correspond aux "modèles" dans mon profil.

Un esprit trop puissant pour pouvoir être incapable de gérer certains aspects de la vie quotidienne... C'est bien là le plus grand paradoxe!

Et comment ais-je fait pour vivre presque normalement pendant si longtemps?

Rendez-vous il y a quelques jours avec mon médecin traitant. Elle a la mi-trentaine, me suit depuis cinq ans, ne croyait pas à mon autisme mais a finalement décidé de me référer pour évaluation psychiatrique. "Essentiellement pour écarter l'incertitude au sujet de l'autisme", m'avait-elle dit. Mais elle avait quand même ajouté: "Mais parfois, ce sont les patient qui ont raison. Ils savent parfois mieux que nous dicerner leurs problèmes."

C'était donc la première fois que je la revoyais depuis mon diagnostique. Elle avait reçu le rapport du psychiatre. Je lui avais écrit un mot lui demandant de devancer notre rendez-vous, prévu pour la fin du mois. Elle est un peu abasourdie de ce qu'elle a lu. Mais elle a rapidement fait le lien avec l'ensemble du dossier qu'elle a monté sur moi au fil du temps, et sa réaction est très vive, brillante, pour tenter de me recadrer dans cette nouvelle dimension.

Comme le psychiatre, ce qui lui semble le coeur de mon problème, c'est la distance que je mets entrre ce que je raconte et ce que cela représente réellement pour moi. Toutes ces histoires de ma vie qui semblent incroyablement dures et que je décris comme un cours de science. À chaque fois, j'en reviens au même point; "Vous savez, personne n'imagine comment il est dur de vivre dans la rue..." Et encore une fois, je le dis comme si je racontais mon week-end en camping. Mais le dimanche soir, il n'y a pas un logement douillet pour me remettre de mes émotions... Cela fait déjà bientôt deux mois que je suis à nouveau dans la rue...

Elle me donne plusieurs trucs pour redéfinir ma façon de communinquer. Elle dresse également les contours d'un cheminement.

Aujourd'hui, j'ai pu faire sécher mon sac de couchage. Enfin, le laver et le sécher. Quand je me suis fait surprendre par la pluie, l'autre nuit, je n'ai pas eu le temps de plier avant que tout soit trempé. J'ai alors calculé les options. Ramasser tout et me mettre à l'abri, trempé, avec les courants d'air,,, ou rester sur place, me recroqueviller au mieux pour conserver la chaleur le plus possible et tenter de retrouver quelques minutes de sommeil... La pluie redouble, l'eau entre doucement dans le sac de couchage. Sur le dos, ça va. L'humidité se réchauffe au contact de mon corps. Mais pour combien de temps? Sur le ventre, c'est un peu plus froid. Je cherche à éloigner mon corps du contact avec le sac de couchage pour ne pas me refroidir trop. Je finis par m'endormir. Au matin, trempé des pieds à la tête, je plie rapidement mes affaires, mets mon sac de couchage dans un sac poubelle que j'ai avec moi, et me réfugie dans des toilettes, où je ferai sécher mon t-shirt et chauffer un peu ma veste imperméable. Je me rhabille et parcours à vélo les quelques kilomètres qui me séparent  de mes lieux de jours. Après un thé chaud, je vais pouvoir regagner mon local d'entreposage pour l'ouverture, et enfin me changer.

19/09/2013

Le premier jour...

de ma vie officielle d'autiste! Ce sera pour moi comme une deuxième naissance. Personne ne peut imaginer ce que cela fait!

Après avoir délibéré à huis-clos quelques minutes, à la suite d'une heure quinze minutes d'évaluation, les deux psychiatres me rappellent. Ils n'ont eu aucune hésitation.

"Vous êtes sur le spectre autistique... mais... vous n'êtes pas dans les livres. Vous êtes un hybride! Un hybride de syndrome d'Asperger aigu et vous présentez également l'évidence des troubles envahissants du développement de l'autisme-type!"

Je pouvais bien être hors norme... la vie ne m'avais laissé aucune chance de m'en sortir sans domages collatéraux, dès le départ.

Des années de lutte, seul avec ma tête. Quatre ans après mon premier auto-diagnostique assez formel, quatre ans à me battre pour faire comprendre, pour dire aux professionnels, psychiatres y compris; "mais si, je vous dit, il faut regarder de ce côté". Et chaque fois, des sourires entendu, des "non, vous savez..."

Et en une heure quinze minutes, les deux psychiatres n'ont eu aucune hésitation.. Aucune hésitation non plus pour me sortir des registres, des normes établies,  pour me dire qu'ils étaient impressionnés par les outils que j'ai développé pour faire disparaître de la vue mes handicaps. Une force et un handicap, ont-ils précisé. Une force au regard des incroyables accomplissements de ma vie. Un handicap parce que je suis toujours passé, selon leur expression, "en dessous des radars", et que j'en ai payé le prix.

Voilà... personne ne peut imaginer ce que cela me fait... personne ne peut imaginer ce que signifient ces quasi-larmes de libération, de pouvoir se dire "non, je n'étais pas fou!" Je suis autiste et Aspie. Je n'avais jamais osé le formuler parce que ça n'existe pas dans les manuels. Parce que cela sort des cadres et des conventions. Seuls des psychiatres avaient le pouvoir de le faire.

Ma vie retrouve tout son sens. Je me sens renaître. Oui, je me sens au premier jour d'une nouvelle vie.

Je n'oublie rien de l'ancienne. Je n'oublie aucun de vos commentaires, qui m'ont permis d'exister quand je doutais de tout. Je n'oublie aucun de vos gestes. Je n'oublierai jamais ma lectrice, qui, en apprenant ici la perte de mon lecteur MP3, m'a envoyé immédiatement de quoi m'en acheter un autre. Jamais plus de ma vie je n'écouterai de la musique sans penser à elle, que je ne connais qu'au travers de quelques commentaires, quelques échanges de courriels. Merci infiniment de ce coeur et de cette humanité!