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24/09/2013

l'espace-temps

À peine sorti de l'hôpital, je cherche des repères. Je sais qu'il va y avoir un décalage important entre le diagnostique et l'aide que je vais recevoir. La rue me parait tout à coup plus sombre.

Quand le psychiatre m'a demandé "mais, avec tout cela, comment vous sentez-vous?", j'ai marqué une temps de réflexion.

La veille, je me sentais mal, mal de tête, légers vertiges. J'ai réfléchi et j'ai réalisé qu'en une semaine, je n'avais mangé que trois baguettes de pain, trois croissants, deux barres de chocolat, un Pepsi et un Canada Dry. (Oui, je compte ces boissons comme de la nourriture, c'est tellement sucré!). Et bu du thé et de l'eau...

J'avais encore de l'argent en poche. Je suis allé dans un petit restaurant bon marché où ils servent un excellent steak-frite. Je voulais pouvoir me rendre à mon rendez-vous le lendemain.

Je fais un résumé rapide de mes dernières années de vie au psychiatre, en quelques secondes, puis je lui résume mon alimentation de la dernière semaine. Et je lui parle des gens qu'il doit rencontrer au quotidien, des gens que je rencontre dans la rue. Je lui dit; "je ne bois pas, ne fume pas, ne me drogue pas. Je suis en bonne santé physique. Mais je n'arrive pas à fonctionner comme il se devrait. J'ai un problème que je ne sais résoudre."

Je tourne la tête vers la fenêtre et j'ajoute: "je suis en détresse".

Un peu plus tard, il me fait remarquer que lui a bien saisi ma détresse, mais pas à grâce à la façon dont je l'ai exprimée.

Un des traits de l'autisme est la distance entre les émotions et leur expression. J'ai l'air constament de bonne humeur, et même quand j'exprime ma détresse, elle ne parait pas réelle. Pour moi, elle est mathématique. Elle est ce que reflète ma situation. Elle est, point!

Il me dit qu'il va détailler et insister dans son rapport sur ce point, afin que l'on ne sous-estime pas mon état.

Je comprends tout à coup pourquoi j'ai tant de difficultés à me faire comprendre. La seule chose que je fais passer, c'est le côté positif de tout ce qui m'entoure. Les gens que je rencontre me disent systématiquement à quel point je suis inspirant, motivant à aller de l'avant. Quand je parle de ma vie dans la rue, j'arrive même à dire en tout premier à quel point ça m'a rendu meilleurs. Mais arriverais-je un jour à dire toute l'horreur que j'y ai vécu également?

La douleur, la tristesse, la peine... est-ce pour ne pas sombrer que je mets cette distance entre ces émotions et ma capacité de les exprimer autrement que verbalement? Est-ce l'ultime rempart avant la chute?

19/09/2013

Le premier jour...

de ma vie officielle d'autiste! Ce sera pour moi comme une deuxième naissance. Personne ne peut imaginer ce que cela fait!

Après avoir délibéré à huis-clos quelques minutes, à la suite d'une heure quinze minutes d'évaluation, les deux psychiatres me rappellent. Ils n'ont eu aucune hésitation.

"Vous êtes sur le spectre autistique... mais... vous n'êtes pas dans les livres. Vous êtes un hybride! Un hybride de syndrome d'Asperger aigu et vous présentez également l'évidence des troubles envahissants du développement de l'autisme-type!"

Je pouvais bien être hors norme... la vie ne m'avais laissé aucune chance de m'en sortir sans domages collatéraux, dès le départ.

Des années de lutte, seul avec ma tête. Quatre ans après mon premier auto-diagnostique assez formel, quatre ans à me battre pour faire comprendre, pour dire aux professionnels, psychiatres y compris; "mais si, je vous dit, il faut regarder de ce côté". Et chaque fois, des sourires entendu, des "non, vous savez..."

Et en une heure quinze minutes, les deux psychiatres n'ont eu aucune hésitation.. Aucune hésitation non plus pour me sortir des registres, des normes établies,  pour me dire qu'ils étaient impressionnés par les outils que j'ai développé pour faire disparaître de la vue mes handicaps. Une force et un handicap, ont-ils précisé. Une force au regard des incroyables accomplissements de ma vie. Un handicap parce que je suis toujours passé, selon leur expression, "en dessous des radars", et que j'en ai payé le prix.

Voilà... personne ne peut imaginer ce que cela me fait... personne ne peut imaginer ce que signifient ces quasi-larmes de libération, de pouvoir se dire "non, je n'étais pas fou!" Je suis autiste et Aspie. Je n'avais jamais osé le formuler parce que ça n'existe pas dans les manuels. Parce que cela sort des cadres et des conventions. Seuls des psychiatres avaient le pouvoir de le faire.

Ma vie retrouve tout son sens. Je me sens renaître. Oui, je me sens au premier jour d'une nouvelle vie.

Je n'oublie rien de l'ancienne. Je n'oublie aucun de vos commentaires, qui m'ont permis d'exister quand je doutais de tout. Je n'oublie aucun de vos gestes. Je n'oublierai jamais ma lectrice, qui, en apprenant ici la perte de mon lecteur MP3, m'a envoyé immédiatement de quoi m'en acheter un autre. Jamais plus de ma vie je n'écouterai de la musique sans penser à elle, que je ne connais qu'au travers de quelques commentaires, quelques échanges de courriels. Merci infiniment de ce coeur et de cette humanité!