21/08/2011
Le temps passe, et pourtant...
Je lui ai dit il y a quelques jours "je recommence à écrire". Pourquoi recommencer? Parce que j'adore cela. Parce qu'il y a quelques temps, je lui ai dit "avoir été dans la rue a fait de moi une personne plus forte, mais surtout une meilleure personne".
Pas que je ne fus pas déjà une "bonne personne"! J'ai toujours donné ma chemise à qui me la demandait, même si c'était ma dernière, au milieu de l'hiver.
De ce côté, j'ai un peu changé...juste un peu. Je vérifie maintenant que la personne en a réellement besoin autant ou plus que moi!
Mais j'ai compris l'incompréhensible quand tu es dans une situation confortable, quand tu n'as jamais eu de difficulté à travailler, à fonctionner raisonnablement, malgré les handicaps. Quand tu n'as jamais même imaginé pouvoir être (à nouveau) démuni matériellement. Le dénuement matériel est tombé via la détresse psychologique, bien sûr. L'incompréhension...
Que c'est-il passé depuis ces derniers mois?
Gros succès de mes travaux et conférences. Investisseurs prêts à financer... Mais on ne sort pas du trou si facilement. Le premier jour où j'ai mis ma nouvelle voiture sur la route, j'ai eu 2 pv. Un de stationnement. J'ai pourtant regardé attentivement les panneaux. Interdit de stationer jusqu'à 3h. Il est 3h30, c'est bon... Ouais, je suis dans un quartier bilingue, on utilise d'habitude 3h PM si c'est l'après-midi. Pas sur les panneaux de stationnement, bien sûr! Quelques minutes plus tard, je franchis une ligne blanche, me dis le motard, une vraie danseuse moulinant à qui mieux-mieux fier d'avoir trouvé une mine pour ses quotas de la journée. Les lignes sont effacées au sol, mais j'aurais dû voir 50 mètres avant le panneau indiquant l'interdiction de changer de voie. Je sais que je ne pourrai pas payer... Le temps est passé, la justice a tranché. Mes deux amendes de 50$ ce sont transformée en deux fois 250$, mes plaques et mon permis suspendus. Je suis à nouveau illégal sur les routes.
Trois arrestations consécutives. Le compte s'alourdi. La dernière, une gamine, haute comme trois pommes prétend chercher à bien faire son travail en mettant mon véhicule à la fourrière. Je me retrouve sans possibilité de travailler pour un mois. Je n'arriverai pas à gérer...
Je dois avouer que j'ai eu envie de la tailler en pièces. J'ai choisi de lui monter à quel point ce n'est pas ça, le métier de policier, de verbaliser à outrance et de jeter les gens dans la détresse et la rue. Je lui raconte l'histoire d'un gars, rendu au bout du désespoir qui s'est pendu. Je lui dit qu'un jour, ce sera un de ses proches, et ce jour là, de se souvenir de moi!
Je dérape un peu et choisi de risquer la psychiatrie pour boucler mon message. Deux voitures sont mobilisées pour gérer mon cas. Il y a des automobilistes qui ne le savent pas, mais je les ai sauvé de contraventions pendant quelques heures. Une ambulance fini par me transférer à l'hôpital psychiatrique. Il faut être fou pour contester l'ordre établi. Ou criminel, ce que je ne suis pas. Alors fou, ouais, un peu, probablement.
Je passerai 24 heures en confinement psychiatrique. Je penserai beaucoup à quelques personnes. Je réfléchirai et réaliserai une fois encore que je dois me débrouiller seul. Jamais je ne pourrai appeller qui que ce soit. Il faut que je revienne sur terre. Je ferai rire le psychiatre et obtiendrai mon élargissement.
Je suis rendu à près de 4000$ d'amendes accumulées.
04:35 Publié dans a retenir... | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Pour mes élèves pénibles qui régressaient après avoir fait d'énormes progrès, le ré-éducateur m'expliquait que c'était pour mesurer, et ne pas oublier d'où il venait.
Il en est peut-être de même pour vous, pour rester conscient du chemin parcouru.
On aimerait tellement que tout aille mieux …
Écrit par : Sar@h | 28/08/2011
Je crois que ce que l'on demande à la masse, (y compris les élèves, dès le plus jeune âge), c'est de se contraindre et se conformer à rentrer dans le moule des moutons, afin de perpétuer la tonte au profit des puissants ad-vitaem...
Qu'est-ce qu'un élève pénible? Mais surtout pourquoi un élève peut-il en venir à être considéré comme pénible? (et ici, j'ajoute et je souligne à quel point je suis reconnaissant envers les efforts de la plupart des enseignants pour composer avec des moyens et des contextes tellement éloignés de la condition nécessaire à faire raisonnablement leur métier!).
Il n'y a pas un jour où je ne me remémore les temps forts de ma vie, bons et mauvais. Je ne régresse jamais. Chaque jour m'apporte de quoi grandir, de quoi avancer, à la lumière de mon vécu. Le jour où je n'avancerai plus, je serai mort! Le jour où je ne réagirai plus à la bêtise humaine, je serai mort aussi!
Je me suis balladé avec un proche le week-end dernier dans ce quartier où je vivais dans la rue. J'y suis systématiquement calme et serein. Aucune douleur, aucune amertume, et je le verbalise librement en disant à qui veut l'entendre à quel point je pense que cette experience m'a rendu meilleur, meilleur que quiconque qui ne l'a pas vécu, car je peut comprendre in-extenso ce que cela signifie... à ma façon...
Écrit par : sdf de luxe! | 31/08/2011
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