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21/08/2011

rebonds...

Le kangourou, c'est peut-être ainsi qu'il faudrait me rebaptiser!

Je sors de l'hôpital psychiatrique avec un ticket de bus et 12$ en poche, toute ma fortune!

J'ai vraiment eu un choc la veille en voyant ma voiture hissée sur la remorqueuse, direction la fourrière, avec 30 jours d'immobilisation avant de pouvoir la récupérer. Sans parler des coûts! Cela m'a rapellé le jour où, il y a 3 ans, ma voiture est tombée en panne et il a fallu me résoudre à la vendre. Le début du retour en enfer!

J'ai une heure et demi de bus à faire avant d'arriver chez moi. Je réfléchis. Tous mes contrats en cours ne peuvent être exécutés sans ma voiture. Il faut que je débourse pas loin de 2000$ pour payer les amendes dues et récupérer mes plaques et mon permis. Je me présente à mes rendez-vous du jour à vélo. Ça va, il fait super beau. Le soir, je suis un peu fatigué. J'ai fait 45 km à bicyclette dans ma journée, ça peut se concevoir. J'ai mon frigo relativement garni encore, et je considère les options pour le mois. Donner le change, continuer les discussions avec les investisseurs comme si de rien n'étais. Avoir confiance en ma capacité de continuer à fonctionner malgré tout. Je repense aux phrases du psychiatre. Avec un sourire; "Oui, mais quand même, conduire sachant votre permis de conduire suspendu... quand même...je n'aurais jamais fait ça, moi..."

Je lui ai répondu du tac au tac " vous n'avez jamais eu faim, vous... enfin avoir faim pour vous, cela veut dire avoir sauté votre collation de 4 heures... vous n'avez jamais été à la rue, n'est-ce pas?"

C'est vrai, je n'aurais pas dû conduire. Mais que faire? Tout abandonner si près du but, retourner dans la rue et me dire que j'allais tout reprendre à zéro une fois de plus. Non! J'ai du travail, une voiture, je vais travailler! Si il y a une chose que je sais faire, c'est calculer. Et je sais que si je ne déplace pas des montagnes chaque semaine, je vais rechuter. On ne sort pas de ce genre de situation sans efforts titanesques. Aucune des personnes dont j'ai croisé le chemin dans la rue ne s'en est sortie jusqu'à présent, et les intervenants qui m'ont suivi n'en reviennent toujours pas!

Mais il a fallu que je reste toujours "on the edge", sur le fil, sur la mince ligne qui devrait me permettre de m'en sortir. J'ai réussi à maintenir le cap, à accumuler les petites réussites, malgré les soubressauts, les difficultés. Qui peut imaginer mes difficultés à redresser une situation malgré mes handicaps. Cet autisme qui m'empêche de rester au contact des gens plus que quelques heures par semaine. Heureusement, quelques personnes parviennent à accepter mes limites et continuent de communiquer régulièrement à ma façon, ce qui me permet de donner le change quand je suis en public. Je coupe mes imersions dans le monde de longues périodes d'isolement et j'arrive à maintenir l'équilibre.

Le ratio; 8 heures, 12 max par semaine avec des gens. Seule Catherine, qui m'assiste dans mon travail de recherche, peut rester plus longtemps avec moi sans que cela me perturbe trop.

Je suis quand même passablement déprimé en arrivant chez moi. Pendant deux jours, tournant et retournant ma situation dans tous les sens, je ne vois aucune issue raisonnable. Faudra-t-il emprunter les issues déraisonnables?

Le temps passe, et pourtant...

Je lui ai dit il y a quelques jours "je recommence à écrire". Pourquoi recommencer? Parce que j'adore cela. Parce qu'il y a quelques temps, je lui ai dit "avoir été dans la rue a fait de moi une personne plus forte, mais surtout une meilleure personne".

Pas que je ne fus pas déjà une "bonne personne"! J'ai toujours donné ma chemise à qui me la demandait, même si c'était ma dernière, au milieu de l'hiver.

De ce côté, j'ai un peu changé...juste un peu. Je vérifie maintenant que la personne en a réellement besoin autant ou plus que moi!

Mais j'ai compris l'incompréhensible quand tu es dans une situation confortable, quand tu n'as jamais eu de difficulté à travailler, à fonctionner raisonnablement, malgré les handicaps. Quand tu n'as jamais même imaginé pouvoir être (à nouveau) démuni matériellement. Le dénuement matériel est tombé via la détresse psychologique, bien sûr. L'incompréhension...

Que c'est-il passé depuis ces derniers mois?

Gros succès de mes travaux et conférences. Investisseurs prêts à financer... Mais on ne sort pas du trou si facilement. Le premier jour où j'ai mis ma nouvelle voiture sur la route, j'ai eu 2 pv. Un de stationnement. J'ai pourtant regardé attentivement les panneaux. Interdit de stationer jusqu'à 3h. Il est 3h30, c'est bon... Ouais, je suis dans un quartier bilingue, on utilise d'habitude 3h PM si c'est l'après-midi. Pas sur les panneaux de stationnement, bien sûr! Quelques minutes plus tard, je franchis une ligne blanche, me dis le motard, une vraie danseuse moulinant à qui mieux-mieux fier d'avoir trouvé une mine pour ses quotas de la journée. Les lignes sont effacées au sol, mais j'aurais dû voir 50 mètres avant le panneau indiquant l'interdiction de changer de voie. Je sais que je ne pourrai pas payer... Le temps est passé, la justice a tranché. Mes deux amendes de 50$ ce sont transformée en deux fois 250$, mes plaques et mon permis suspendus. Je suis à nouveau illégal sur les routes.

Trois arrestations consécutives. Le compte s'alourdi. La dernière, une gamine, haute comme trois pommes prétend chercher à bien faire son travail en mettant mon véhicule à la fourrière. Je me retrouve sans possibilité de travailler pour un mois. Je n'arriverai pas à gérer...

Je dois avouer que j'ai eu envie de la tailler en pièces. J'ai choisi de lui monter à quel point ce n'est pas ça, le métier de policier, de verbaliser à outrance et de jeter les gens dans la détresse et la rue. Je lui raconte l'histoire d'un gars, rendu au bout du désespoir qui s'est pendu. Je lui dit qu'un jour, ce sera un de ses proches, et ce jour là, de se souvenir de moi!

Je dérape un peu et choisi de risquer la psychiatrie pour boucler mon message. Deux voitures sont mobilisées pour gérer mon cas. Il y a des automobilistes qui ne le savent pas, mais je les ai sauvé de contraventions pendant quelques heures. Une ambulance fini par me transférer à l'hôpital psychiatrique. Il faut être fou pour contester l'ordre établi. Ou criminel, ce que je ne suis pas. Alors fou, ouais, un peu, probablement.

Je passerai 24 heures en confinement psychiatrique. Je penserai beaucoup à quelques personnes. Je réfléchirai et réaliserai une fois encore que je dois me débrouiller seul. Jamais je ne pourrai appeller qui que ce soit. Il faut que je revienne sur terre. Je ferai rire le psychiatre et obtiendrai mon élargissement.

Je suis rendu à près de 4000$ d'amendes accumulées.