18/04/2013
Christophe Colomb...
À chaque nouvelle navigation, dans chaque nouvelle situation difficile, je me compare à Christophe Colomb. Bon, c'est vrai, à son époque, les mers n'étaient pas sillonnées de navires gigantesques, aveugles et sourds à la présence de ces bateaux insignifiants que sont les petits voiliers sur lesquels je navigue. Mais, d'un autre côté, j'ai une connaissance phénoménale de la mer, du monde, des étoiles. J'ai des instruments de navigation, des données, dont il ne pouvait même pas imaginer dans ses rêves les plus fous qu'ils puissent exister un jour.
C'est vrai aussi que quand j'ai commencé à naviguer, je considérais hasardeux des choses que je fais aujourd'hui naturellement. Je vais faire bondir bien des marins en montrant de quelle façon j'ai abordé cette traversée. Aucune carte marine après la sortie de la baie de Cheseapeake. Comme seuls instruments de navigation, quelques notes, quelques points de repères griffonnés dans mon agenda, une petite tablette Samsung avec un GPS, payée 150$ (115€), une boussole et une montre de précision, au cas où...
Oui, je sais... c'est un peu ouf mon truc!
Peu de gens seraient capable de faire route avec si peu. Mais j'ai une quantité astronomique de données emmagasinées dans mon cerveau pour compenser, et une évaluation "raisonnable" de la faisabilité de mes aventures.
Mais cela fait aussi partie du plaisir de naviguer que partir à l'aventure, sans chemin trop balisé!
Et à chaque fois que je me disais que j'étais un peu barjot de naviguer ainsi, je me rassurais sur ma santé mentale en me disant que les limites étaient faîtes pour être repoussées. Sinon, Christophe Colomb n'aurait jamais "découvert" l'Amérique. Et je suis bien mieux équipé que lui pour me rendre sur n'importe quel coin de la planète!
Mais chaque matin, quand le jour se levait, je me sentais comme cet homme qui, tombant du vingtième étage d'un immeuble passe devant le dix-neuvième et se dit "jusqu'ici, tout va bien!". Et invariablement, j'explosais de rire en repensant à cette histoire...
Alors, quand, après 30 jours de naviguation (je viens de compter, pour la première fois, le détail des jours navigués, car une des rares choses que je m'impose en navigation, c'est de tenir un livre de bord, à peu près légal, à peu près tous les jours...), je me suis glissé dans la baie de Marigot, mes voiles déchirées, luttant au milieu de la nuit de peine et de misère. J'ai tenté désespérément de remonter au vent un tant soit peu en louvoyant entre les yachts au mouillage pour m'abriter et m'ancrer raisonnablement. Je me suis finalement effondré sur ma couchette en me disant qu'enfin, je pouvais m'endormir sans crainte. J'ai sourit aux anges qui m'avaient peut-être accompagnés et me suis endormi aussitôt du sommeil du juste. Contrairement à ce que je m'imaginais, je me suis réveillé frais et dispo vers 7 heures du matin. Même pas faim, malgré 9 jours de jeun complet, 29 jours de sous-alimentation, sans parler des semaines précédentes, des mois précédents...
Second repas à terre; je commence par le fromage!!!
Et j'ai attendu midi passé avant d'aller à terre prendre mon premier repas, dégustant chaque seconde du bonheur de la libération de l'étreinte puissante, mais aussi parfois étouffante, parfois mortelle de la mer. Et déjà dans mes veines le besoin de ce savant mélange d'endorphines générées par son bercement, d'adrénaline, et de tout ce que la mer donne généreusement par sa puissance, son gigantisme infini, sa beauté incomparable... Et ce sentiment d'être quelque part un membre de cette caste à part de ceux qui ne sont ni morts, ni vivants, en suspend au milieu des mers et des océans, en attendant l'atterrissage!
15:54 Publié dans Fantasme de mec | Lien permanent | Commentaires (0)
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