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15/12/2013

Les chiffres...

La météo l'annonçait... grands froids, puis tempête de neige...

Je m'y étais préparé. J'avais enregistré dans ma tête quoi manger, organisé mon petit local de stockage, accessible seulement le jour, pour que ce soit facile et rapide de prendre une quantité suffisante de calories en boite ou en sachet, pour faire face à n'importe quoi, sans avoir à chercher, sans avoir à réflechir, rapidement.

Bon, j'ai également des options, en cas d'urgence extrème... Bien sûr, certains diront que je suis déjà en situation d'urgence extrème!

Alors, ce soir-là, alors que le thermomètre tournait déjà autour de moins dix-huit, j'étais serein, prêt à faire face à la musique.

Je me suis habillé; Un t-shirt en coton, un sweater en coton léger, un gilet de laine assez mince, un chandail en polaire, et un blouson imperméable technique. Une paire de caleçons longs, une paire de jeans, et une paire de chaussettes de sport de coton, le point faible de ma tenue. Et une paire de chaussures de sport d'été, en toile aérée, très pratiques l'été car on ne transpire pas dedans... :-D

(Non, je ne suis pas maso, je n'ai juste pas eu la possibilité de retrouver à temps une paire de chaussure adéquate!)

J'ai pris un thermomètre électronique pour pouvoir contrôler visuellement les changements de température et ne pas me laisser surprendre pendant la nuit. C'est un thermomètre que j'avais acheté il y a trois ans pour documenter mes travaux sur des modèles éco-énergétiques. Il va trouver une nouvelle utilité pour quantifier les énergies et les températures dans une nuit de sdf...

Depuis trois semaines, j'avais mis de côté l'argent pour me payer ce petit resto qui fait un si bon steak-frites, pour moins de quinze dollars. J'avais pris des calories supplémentaires en barres de céréales ensachées individuellement. Pas écologique, mais dans les circonstances... Comme le restaurant offrait une promotion - le même steak-frites en "menu du jour", avec soupe aux pois en entrée, dessert et café - je n'ai rien pris de plus. J'ai mangé le petit pot de sauce brune bien grasse au complet. J'ai compris la semaine passée pourquoi les gens pauvres sont en si mauvaise santé! Alors que moi, je compte les calories pour en ingurgiter plus, eux en ingurgitent trop et devraient compter pour les réduire! Quel ineptie! La pauvreté peut aussi se mesurer à l'excès de calories ingurgitées quotidiennement!

Vous avez bien mérité une petite photo...

En la regardant d'ailleurs, je m'aperçois que j'ai oublié de mentioner dans la description de mon habillement une cagoule technique synthétique, très efficace parce que l'humidité de la condensation de ma respiration ne gèle pas à l'interieur. Elle coupe relativement bien le vent. Par contre, elle n'est pas chaude du tout. J'ai mis un bonnet en polaire par dessus, et emmené une deuxième cagoule en polaire également, qui a un long tube protège-cou. Je n'aurai pas besoin de la mettre cette nuit. J'ai aussi la capuche de mon blouson imperméable qui peut faire une couche supplémentaire au besoin. Et j'ai une mauvaise paire de gants synthétiques. Il faut que je revois cet aspect crucial de ma protection nocturne.

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Qaund j'ai quitté le restaurant, vers 23 heures, j'étais parfaitement bien, totalement prêt, la respiration contrôlée, le souffle maîtrisé, même pas coupé lorsque, refermant la porte du restaurant derrière moi, j'ai reçu la grande claque de mère-nature au visage.

Je me suis dirigé rapidement vers mon lieu de nuit. Un changement d'environnement imprévu m'en interdit l'accès. J'évalue les options, heureusement déjà mémorisées. Je ne dois surtout pas perdre de temps, ne pas perdre ma chaleur avant d'être installé pour la nuit. Je choisis celle qui me convient le mieux dans le contexte. Derrière un talus, le long d'une palissade de chantier. J'installe mon couchage. Je n'arrive pas à trouver la paire de chaussettes supplémentaire en laine que je comptais enfiler par dessus celles de coton en me couchant. Je m'apercevrai le lendemain que j'avais eu la brillante idée d'en entourer ma bouteille de tisane chaude dans son sac thermique, en me disant que j'aurais ainsi le super confort d'enfiler une paire de chaussettes chaudes en me couchant! Mais le moment venu, je ne me souvenais que de l'emplacement initial, où elles ne se trouvaient plus bien entendu!

J'étale un vieux rideau de douche pour couper la migration de l'humidité, je pose dessus deux écrans en mousse fine aluminisée, du style que l'on mets sur le pare-brise des autos, à l'interieur, l'été, pour réduire la chaleur du soleil. La face aluminisée est tournée vers le dessus, pour réfléchir la chaleur de mon corps vers lui-même. J'ai acheté ces écrans il y a quelques mois, dans un magasin "tout à 1$".

Je me glisse dans mon sac de couchage. Le choc thermique est raisonnable. Ma respiration toujours calme. Mon médecin, rencontré plus tôt cette semaine, a vérifié mon rythme cardiaque. 88 battements par minute. C'est nettement plus qu'ordinairement. Mais cela me permet d'avoir une meilleure circulation sanguine, ce qui est parfaitement adapté à la situation.

Je dois couvrir la moindre partie de mon corps, car exposée, la peau gélerait tres rapidement à cause du vent. Le facteur éolien a fait descendre la température à -37°C ressentis sur la peau. Je mets une petite couverture pliée plusieurs fois sur mon visage, la seule partie exposée dans mon sac de couchage momie, en ménageant une petite poche d'air pour pouvoir respirer. Plusieurs fois dans la nuit, la couverture glissera et le froid me réveillera presqu'aussitôt, me commandant de la replacer.

Ma nuit sera entrecoupée de réveils, plus par crainte que par problème réel lié au froid. Je ne me suis pas refroidi. Le matin (5 heures...), mes pieds étaient encore chaud malgré leur peu de protection. Je m'apercevrai plus tard que l'heure affichée sur mon appareil, ironiquement, est toujours l'heure d'été...

Sortir du sac de couchage fut dur. J'ai pris quelques minutes pour prendre des photos, relever la température. Après deux minutes à tenir la sonde du thermomètre électronique, sa descente ralenti mais je ne peux plus la tenir car mes mains commencent à geler. Il indique moins dix-huit virgule cinq degés Celsius (Centigrades). Je remballe tout et colle mes mains à mon entre-jambe, toujours l'endroit le plus chaud de mon corps! :-D

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En arrivant à l'abri, dans le métro, je constaterai que la température était de moins vingt et un degrés Celsius (Centigrades).

Avec le "facteur vent", ma peau exposée ressentait moins trente-sept! Ma nuit la plus froide jamais passée dehors!

J'ai l'impression qu'on est en train de me dégeler les mains à coup de marteau. Mes gants ne sont pas à la hauteur du défi!

Mais en quelques minutes, tout retourne à la normale. Je me sens toujours "de luxe" au vu des ressources que je continue de puiser en moi!

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