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15/03/2013

Il y a les vivants...

il y a les morts, et il y a ceux qui partent en mer. Cette citation d'Anacharsis que mon frère m'envoyait il y a peu (l'attribuant à tort à Aristote), était la manifestation de son inquiétude de me perdre. Plus inquiet encore que ma mère, peut-être parce que plus "breton" qu'elle!

Le seul moyen à ma portée pour me rendre en Virginie est le bus. Ce sera long. Il faut que je fasse une étape à New-York, pour tenter de trouver au moins une partie des choses dont j'ai besoin pour remettre le bateau en état de naviguer. Je ne peux m'offrir une nuit en ville. Je décide de tenter le couchsurfing. Une fille me répond et m'offre une nuit chez elle. Je ne peux m'empêcher d'être un peu inquiet. Va-t-elle changer d'avis au dernier moment? Et si c'était un psychopathe? D'autant que sur sa fiche, son métier affiché est "forensic psychologist"; psychologue médico-légal. Pas courant, quand même!

Tempête de neige sur Montréal, je rate mon bus, l'averti que je serai en retard. L'inquiétude grandi. Je n'ai pas les moyens d'être pris à New-York dans la rue, avec mes bagages et tout ce que je dois y faire. Et je n'ai pas d'alternative... la méga-galère.

J'arrive à Port Authority, vais dans un cyber-café, car elle n'a pas répondu à mes derniers mails. Je n'ai ni son adresse, ni son téléphone. Ouf, un message avec son numéro de cellulaire (téléphone portable). Je lui envois un texto. Elle me répond, me donne les indications pour me rendre à la station de métro la plus proche de chez elle. Je suis sur mes gardes. C'est au coeur du Queens, que je ne connais pas, et la nuit est tombée.

Je sors de la station, suis ses indications. Je la vois, seule, les mains dans les poches, le cou rentré dans son manteau. Début trentaine, elle est vraiment très, très belle. Ce qui m'inquiète un peu plus encore. Serait-ce un coup monté? Ça pourrait être un traquenard avec des ficelles grosses comme ça! Je l'interpelle. Elle sourit. Les photos de moi lui avaient fait penser que j'étais plus grand... beaucoup plus grand que je ne suis. Elle attendait un géant de 1m95.

On commence à discuter en marchant en direction de chez elle. Elle a l'air "clean". Tout colle dans ses propos. Je gagne en confiance. Mais je suis un peu surpris de ne ressentir aucun doute, aucune inquiétude d'elle à mon sujet. Cela me surprend d'autant plus dans une ville comme New-York.

Arrivé chez elle, elle m'offre la petite chambre d'amis, et me demande ce que je veux faire. Je la laisse me guider. J'ai un petit budget bouffe, elle me propose d'aller au restaurant. Arrivé au métro, la machine à tickets refuse mon billet de 20$. Je lui demande si elle a de la monnaie. Elle me DONNE 10$ et refuse que je la rembourse. Je suis estomaqué!

Aussi touché que quand une de mes lectrices ici, ayant appris la perte de mon lecteur MP3, m'a envoyé de l'argent pour que je puisse m'en racheter un. Merci encore... infiniment!

Nous arrivons dans un petit restau latino, abordable, très sympa. On commande. Je crois que je choisis mieux qu'elle. Mes plats arrivent avant les siens. Je partage avec elle. Elle semble un peu déçue de ses plats quand ils arrivent, longtemps après les miens. Je partage à nouveau les miens, qu'elle semble vraiment apprécier. On discute comme de vieux amis qui ne se sont pas vu depuis longtemps, de pleins de choses, de nos enfances, de nos passions. Elle adore "sa" ville (d'adoption... elle vient en fait de l'Alabama), elle adore son quartier, le Queens, qu'elle n'échangerait pour rien au monde. Je resterai deux jours chez elle. Elle fera tout pour rendre mon séjour agréable. Elle écrira en commentaire sur le site de couchsurfing à quel point j'ai été un invité agréable, respectueux, reconnaissant, fascinant par mon vécu et la façon dont je le partage. "Absolutly lovely" dira-t-elle même en recommandant chaudement aux gens de ne pas hésiter à m'héberger. Je suis touché, vraiment. Presque désarçonné tant mon estime de moi est retombée au plus bas depuis mon retour dans la rue.

Mer,monde,bonheur

Anacharsis était impressionné par ces quelques centimètres de bordé qui séparaient le marin de la mer, de la mort. Allongé sur ma couchette, dans le carré, la tête contre la coque, je sens cette vulnérabilité.

Je suis sur le bateau depuis 10 jours. Il y aurait beaucoup de travaux à faire pour le rendre conforme à mes normes habituelles. Quand je suis arrivé en Virginie, il faisait 18 degrés et grand soleil. Je me suis mis en t-shirt. Depuis, il pleut. Et ce soir, je suis rentré sous la tempête de neige. Il fait zéro dans le bateau. Je n'ai pu faire presque aucun des travaux prévus. Il faut que je parte pourtant, sans attendre. Je ne peux pas reculer.

Au bord de sombrer dans le sommeil, je sursaute tout à coup, me reveillant en réalisant à quel point ce que je fais est excessif, en prenant la pleine mesure du danger. Je vais être sur une coquille fragile sur une des mers les plus dangereuses, d'après "ceux de la marchande" (expression signifiant les marins de la marine marchande). Je vais être seul, devant veiller et barrer 24h sur 24 (je n'ai ni pilote automatique, ni régulateur d'allure) avec des pauses de repos par tranche de 15 minutes maximum, à cause de la circulation intense des cargos dans le secteur, surtout en sortie de la baie de Cheseapeake et au sud des Carolines. 15 minutes, c'est le temps que peut mettre un cargo invisible à l'horizon pour te fracasser et te couler. Cela semble improbable, mais il y a beaucoup d'accidents de ce genre. J'ai déjà gouté à la météo de ce secteur, à ses tempêtes dures comme le silex, et je me vois tout à coup heurté par un cargo, écrasé par une déferlante, en train de couler sans possibilité de secours, car je n'ai ni radeau de survie, ni équipement adéquat. Et je me mets à penser que ce cauchemar est peut-être prémonitoire!

Commentaires

Ca fait du bien d'avoir des nouvelles :)

Écrit par : themagicorangeplasticbirdsaid | 15/03/2013

Oh... merci! Ma famille a l'air de dire la même chose! Ils m'ont cru perdu corps et biens à plusieurs reprises...

Écrit par : sdf...de luxe! | 16/03/2013

Les commentaires sont fermés.