Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/12/2014

Prosopagnosie

J'ai franchi d'une traite les 270 km qui me séparaient de l'aéroport de Lyon. Je suis dans un drôle d'état. Je vais chercher cette jeune fille qui vient de vivre la même expérience que moi quelques années plus tôt. Découvrir les Antilles avec les mêmes personnes qui me les ont fait découvrir!

À moitié Martiniquais, à moitié Polonais, né à Paris, ayant grandi en Charente-Maritime puis dans les Alpes, je n'ai découvert les Antilles qu'à la fin de ma première (11ème année d'études, pour ceux qui ne sont pas familliers avec le système français. Équivalent plus ou moins à un secondaire 5 au Québec).

Cela a ét une experience extraordinaire pour moi. Découvrir le pays de mon père, décédé quand j'avais 13 ans, recoller les bribes de souvenirs de ses histoires, de ses experiences, au travers du regard de ceux qui l'ont connu, dans son île natale, bien avant que je ne sois même un projet!

Trouver une certaine appartenance dans un "pays" où je n'ais jamais mis les pieds, mais où "tout le monde" me connait...

Je me souviens de ce moment particulièrement marquant...

La fin de mon voyage approche à grands pas. Un siècle d'histoire vient de se dérouler devant mes yeux en quelques semaines. J'ai presque vu mon père sur la crête de la coline surplombant la maison familiale, en croupe sur le cheval de son "frère", autant d'images impossibles à mettre en contexte. Et, perdu dans mes rêves, je laisse mes pensées vagabonder, je regarde ces centaines d'objets dont j'espère pouvoir tirer un souvenir à ramener à chacun de mes frères et soeurs!

Je sens cette présence, presque familière, du marchand observant le moindre indice révélant le potentiel voleur, ce métèque qu'il faut particulièrement surveiller parce que... parce qu'il a une gueule de métèque!

Il ne cache plus son jeu à présent. Il vient droit sur moi! Il est assez "blanc", ses lunettes posées bien haut sur son nez, il me scrute à présent sans vergogne.

Contre toute attente, il se place à quelques centimètres de mon visage et me demande:

"Ne seriez-vous pas un Moulanier par hasard?"

Les bras me tombent. Je m'attendais à tout sauf à cela. Quelqu'un prononçant mon nom de famille, puis enchaînant sur ma généalogie, me demande à quel degrés je suis parent avec tel autre Moulanier, qu'il connait très bien.

J'ai acheté dans ce magasin une machette (oui, l'attriat des armes dans la famille, vous savez...!!!), un masque en noix de coco (difficile de donner une machette à mon petit frère! Il pourrait vouloir me couper le cou!), et quelques autres artefacts plus ou moins captivants... essayant de respecter scrupuleusement un équilibre faisant en sorte qu'aucun ne se sente lésé. Autant dire mission impossible!

Je suis en avance à l'aéroport, bien sûr! La mission est de la plus haute importance! Cette jeune femme, comptant sur moi, seul lien entre ce monde inhospitalier et la sécurité d'un retour "chez soi", ne peut subir le moindre contre temps.

Je vois quelqu'un qui lui ressemble. Je ne suis pas sûr. Elle me regarde. Je la regarde longuement. Elle à l'air de se demander pourquoi je la fixe ainsi.

En réalité, je suis totalement perdu. Je ne suis sûr de rien. Je ne comprends pas... Je devrais la reconnaître pourtant. Sans le moindre doute!

C'est un de mes traits "irritants". Je dévisage parfois sans mesure, pour essayer de faire coller un nombre invraissemblable de pièces de puzzles impossible à assembler.

Et ces regards sont parfois mal interprêtés.

Je cherche en regardant ses vêtements, les traits de son visage, les stigmates de son corps... rien n'y fait.

Je suis incapable de reconnaître avec certitude ma propre petie soeur!

J'ai pourtant toujours vécu avec elle, hormis ce quelques semaines qui nous séparent à présent.

Je n'ai jamais pu reconnaître ma mère en dehors de la maison. Ce n'est qu'en additionnant les paramètres que je me faisais une idée de la probabilité que ce fut ma mère...

À la maison, pas de problème. à la sortie de l'école... Heuh... cela m'a pris des années à figurer qu'elle était vraiment de petite taille.

L'autisme vient souvent accompagné de plusieurs autres disfonctionnements. THADA, TED... La prosopagnosie en est un autre qui m'affecte. Cela m'a placé dans bien des situations embarrassantes.

Rendez-vous avec des amis, avec une fille rencontrée la veille...

Et ce jour là, bien des années plus tard, à l'aéroport de Montréal, j'attends une amie. Elle est atteinte du même mal, mais m'avoue qu'elle n'a jamais eu de mal à me reconnaître parce que j'ai un physique "spécial". Elle non plus pourtant ne reconnaissait pas sa propre mère à la sortie de l'école!

Moi, je m'aperçois que j'utilise des techniques développées avec le temps... Je souris à tout le monde en analysant les réactions. Quand elle s'approche de moi, je n'ai aucune idée de qui elle est. Mon regard, balayant les alentours et se fixant de temps à autre sur elle. Pas trop longtemps pour ne pas risquer de l'indisposer. Je finis par arrêter mon regard lorsqu'elle n'est plus qu'à un mètre ou deux de moi. Elle me sourit et me dit "salut". Je suis interloqué. Je ne reconnais rien d'elle au premier regard. Dans le bus qui nous amène au centre-ville, je me penche vers elle, offrant mon côté en appui pour son corps. Elle vient de traverser des épreuves difficiles, et quand elle s'endort, sa tête sur mon épaule, je me remplis d'une immense fierté. Je suis un rocher sur lequel elle peut s'appuyer sans crainte et tout oublier!

Il me faudra plusieurs jours pour me convaincre que c'est bien elle, que les morceaux de souvenirs se recollent, sans plus aucun doute.

Innombrables sont les moments où je me suis retrouvé perdu, embarrassé par ce mal singulier. Ramassant les remarques acerbes parce que je fixe trop parfois, cherchant les repères qui me permettraient de...

Même mon propre fils, il m'arrive de ne pas le reconnaître... De nouveaux vêtements, une nouvelle coupe... et ce sont des milliers de paramètres que je dois reformater!

Parfois aussi, je reconnais des gens que je n'ai jamais rencontré dans la réalité; des célebrités, des amis de la toile... comment pourrais-je oublier cette rencontre, ce premier regard où tout colle et où une longue étreinte dit "oui, c'est comme dans le film qu'on s'est fait"!

Oui, ce mal à un nom; Prosopagnosie

(et pourquoi pas un peu d'info sur le sujet... http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-la-prosopagnosie-ou-l-incapacite-a-reconnaitre-les-visages-10970.asp?1=1  )

 

01/12/2014

L'ordre naturel des choses...

Le méchant loup qui mange la mère-grand, celui qui mange la chèvre de monsieur Seguin, celui de Pierre, le demi-loup Croc-Blanc, bon parce que juste moitié loup, mais moitié "civilisé"...

Et moi tiraillé entre la sauvagerie de la nature et celle de l'homme. Laquelle est la pire? Laquelle est la plus supportable?

Et moi, moitié sauvage, moitié "civilisé"...

Et ce besoin d'aller toujours jusqu'au bout! Au bout des clichés, au bout des raisonnements.

Alors, aussi incroyable que cela puisse paraître pour ceux qui me connaissent dans la vraie vie, je suis allé me chercher un permis de possession d'armes à feu, pour aller chasser...

Pas eu besoin d'aller bien loin. J'ai tout fait par internet. C'est assez impressionnant.

Impressionant aussi de se retrouver avec un 30/30 Winchester entre les mains. Ouais, le fusil de mes rêves de gamin, quand je traversais les montagnes Rocheuses à la poursuite de Croc-Blanc, sous les lignes de Jack London. Ce calibre mythique, capable d'arrêter la charge d'un orignal (mais il ne faut pas se rater et tirer à moins de 50 mètres!).

En arrivant en Alberta, je me suis dit que je me devais d'aller chasser, car je n'étais pas prêt à devenir végétarien et que l'industrie de la production de viande est plutôt pourrie, d'un bout à l'autre de la planète.

Ici, la chasse est un moyen de préserver l'équilibre naturel. On peut bien sûr argumenter que la nature peut très bien s'en charger. Mais à quel prix? Une prolifértion de prédateurs déciment le gibier, entraînant une famine décimant ces mêmes prédateurs, permettant un redressement de la population du gibier... Le tout s'étalant sur quelques décénies...

La chasse est très réglementée et structurée pour maintenir un équilibre année après années au Canada. Et particulièrement en Alberta. Le gibier y est considéré comme une ressource naturelle et le maintient des populations animales est une science surveillant les paramètres naturels sur une base permanente. Et au moins, on se procure une viande saine, sans antibiotiques et sans hormones!

Un animal sauvage au moins a une vie décente et ne voit pas venir sa mort qand elle est donnée à distance par une arme à feu. C'est une mort bien plus décente et rapide que celle donnée par les prédateurs locaux; loups et coyottes principalement. Les coyottes particulièrement! Ils sont capables d'attaquer sans crainte presque n'importe quel animal. Au printemps, dans les boisés de la "River Valley", au coeur d'Edmonton, ils ont tué des chiens que leurs maîtres promenaient en laisse. Les chiens et les chats qui disparaissent sous leurs crocs sont innombrables!

Mais ils s'attaquent mêmes aux orignaux et au bétail domestique.

Alors quand un ami m'a proposé de m'emmener chasser le cerf, je n'ai pas hésité. Et bien que me questionnant en permanence sur ce qui se passerait quand je serai en position de tir, le gibier dans ma mire, le doigt sur la gachette... l'esprit divisé entre toutes les "bonnes" raisons de tirer et cette repulsion à donner la mort à un animal... qui peut prétendre connaître infailliblement ses réactions dans cette situation?

Mon 30/30 Winchester calé sur mon épaule, la joue collée sur la crosse, l'oeil alignant la mire, je me torture l'esprit à imaginer ce qui suivra... la fierté de mes partenaires de chasse, la tâche ardue de ramener la prise du mileiu des bois, le dépeçage et la préparation de la bête... le coeur complètement oppressé par cette inconnue couleur sang!