26/11/2012
Mort dans l'âme, vie par la lame...
Je suis le seul "survivant" de la battue aux sdf. Pour combien de temps encore? "La valise bleue" s'est fait sortir le lendemain. Je continue mes contorsions, et parviens à passer au travers des mailles. J'ose à peine vous le dire, de crainte que... On devient un peu supersticieux malgré soi, dans la crainte!
C'est une guerre psychologique de chaque instant.
Premier enseignement; ne pas faire de soi une cible.
Deuxième enseignement; afficher le plus possible que l'on vendra cher notre peau. Donc essayer de montrer que l'on représente un plus grand danger si on est agressé que si on est ignoré.
Un gardien de sécurité, ce n'est pas très bien payé, ce n'est pas un métier de "vocation". J'ai plusieurs amis qui ont pratiqué ce métier. J'ai donc une bonne idée de ce qui anime ceux que je croise dans mes battures...
Si ils peuvent s'épargner du trouble, ils le feront. Je dois donc me couler dans la peau de quelqu'un qu'ils peuvent ne pas voir, sans risquer la réprimande. Parce que évidement, ils ne veulent pas perdre leur job, ils ne veulent pas prendre de risque.
Alors, je multiplie les ruses. Quand, de temps à autre, j'achète quelque chose à manger en ces lieux, je prends plutôt deux ou trois choses dans deux ou trois places différentes, à quelques temps d'intervalle, en me surexposant lors de l'achat. J'attends le passage d'un gardien de sécurité et m'assure qu'il me voit. C'est le seul moment où je prends l'antidote de la potion d'invisibilité. De cette manière, il pourra dire que je suis un client comme les autres, même surement un bon client car je suis souvent là, toujours avec une consomation.
Parce que oui, je triche là aussi. Je garde un gobelet étampé aux couleurs d'un des marchands, ramasse un plateau discrètement, y mets le gobelet et un sac de papier (vide) dans lequel ils emballent les repas.
Et puis j'observe, j'écoute... La plupart des employés sont préoccupés par les soucis de leur propre vie. Ils ne vont pas s'en rajouter inutilement. Sauf ce petit con, assigné au nettoyage dans un fast food, que j'ai entendu maugréer contre les consommateurs qui collent des heures dans le commerce pour profiter de l'accès internet. J'ai failli lui dire que tout le quartier était sous un hot-spot gratuit et puissant, et qu'il suffit de s'assoire n'importe où pour en profiter. J'ai failli lui dire aussi que chacun de ces consommateurs paient une part de son salaire, et que le restaurant est rarement plein. J'ai préféré rester invisible. Ce genre de personne est dangereux, parce que bête et méchant. Je ne peux pas me permettre le risque.
05:09 Publié dans Haro sur les ogres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sdf, sans abris, ittinerant, montreal, quebec, canada
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