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08/12/2013

À l'heure des comptes...

À cet internaute qui a atterri sur mon blog en ayant cherché "pourquoi les sdf sucrent trop", je réponds...

Par besoin de calories pas cher!

Oui, le sucre, quand tu es dans la rue, te réchauffe, et c'est le même prix... alors autant blinder ton kawa et repartir avec un "boost" cafeine plus un "boost" sucre. C'est tout bénéf!

Et ne vous inquiétez pas, en général, tout est vite brûlé dans la rue!

J'ai fait quelques calculs tenant compte de mon poids, de mon état de santé, de mon activité quotidienne, de la température, qui est déjà descendue à moins quinze, et je m'attends à pire bien sûr...

Il me faut au moins 2500 calories par jour. Ces dernières semaines, cela a rarement dépassé les 1200!

Alors évidement, une fois de plus, je me suis affaibli, je m'épuise rapidement, je ne suis plus capable de fonctionner convenablement.

Vous ais-je dit que c'est dur de vivre dans la rue?

Alors j'ai commencé à compter les calories dans tout ce que je mange, pour parvenir à redresser la barre. Trouver le temps de manger, m'organiser pour avoir systématiquement accès à une quantité suffisante de nourriture, juste pour ne pas faiblir.

Le soir, avant d'aller rejoindre mes lieux de nuit, il faudrait que j'absorbe 1000 à 1200 calories pour pouvoir me réchauffer suffisament pour passer au travers de ma nuit.

Par chance, une cuillère de pate à tartiner au chocolat de la marque que je ne citerai pas, contient 100 calories! Et moi qui me demandais pourquoi quand je plonge ma cuillère, je ne peux plus m'arrêter! C'est juste par besoin de calories!

Je suis content de cette constatation!

Sinon, les cookies (170 calories pour deux cookies) et les barres de céréales (170 calories par barre) sont bien aussi. Avec une tisane bien sucrée, bue assez tôt pour ne pas avoir à me lever au milieu de la nuit...

Parce que le plus dur en fait, c'est d'entrer dans le sac de couchage le soir, et d'en sortir le matin... Surtout en sortir le matin!

06:17 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sdf, itinerant, sans-abri

26/11/2012

Mort dans l'âme, vie par la lame...

Je suis le seul "survivant" de la battue aux sdf. Pour combien de temps encore? "La valise bleue" s'est fait sortir le lendemain. Je continue mes contorsions, et parviens à passer au travers des mailles. J'ose à peine vous le dire, de crainte que... On devient un peu supersticieux malgré soi, dans la crainte!

C'est une guerre psychologique de chaque instant.

Premier enseignement; ne pas faire de soi une cible.

Deuxième enseignement; afficher le plus possible que l'on vendra cher notre peau. Donc essayer de montrer que l'on représente un plus grand danger si on est agressé que si on est ignoré.

Un gardien de sécurité, ce n'est pas très bien payé, ce n'est pas un métier de "vocation". J'ai plusieurs amis qui ont pratiqué ce métier. J'ai donc une bonne idée de ce qui anime ceux que je croise dans mes battures...

Si ils peuvent s'épargner du trouble, ils le feront. Je dois donc me couler dans la peau de quelqu'un qu'ils peuvent ne pas voir, sans risquer la réprimande. Parce que évidement, ils ne veulent pas perdre leur job, ils ne veulent pas prendre de risque.

Alors, je multiplie les ruses. Quand, de temps à autre, j'achète quelque chose à manger en ces lieux, je prends plutôt deux ou trois choses dans deux ou trois places différentes, à quelques temps d'intervalle, en me surexposant lors de l'achat. J'attends le passage d'un gardien de sécurité et m'assure qu'il me voit. C'est le seul moment où je prends l'antidote de la potion d'invisibilité. De cette manière, il pourra dire que je suis un client comme les autres, même surement un bon client car je suis souvent là, toujours avec une consomation.

Parce que oui, je triche là aussi. Je garde un gobelet étampé aux couleurs d'un des marchands, ramasse un plateau discrètement, y mets le gobelet et un sac de papier (vide) dans lequel ils emballent les repas.

Et puis j'observe, j'écoute... La plupart des employés sont préoccupés par les soucis de leur propre vie. Ils ne vont pas s'en rajouter inutilement. Sauf ce petit con, assigné au nettoyage dans un fast food, que j'ai entendu maugréer contre les consommateurs qui collent des heures dans le commerce pour profiter de l'accès internet. J'ai failli lui dire que tout le quartier était sous un hot-spot gratuit et puissant, et qu'il suffit de s'assoire n'importe où pour en profiter. J'ai failli lui dire aussi que chacun de ces consommateurs paient une part de son salaire, et que le restaurant est rarement plein. J'ai préféré rester invisible. Ce genre de personne est dangereux, parce que bête et méchant. Je ne peux pas me permettre le risque.

24/11/2012

L'homme invisible

"Monsieur, vous ne pouvez pas rester là..."

Le gardien de sécurité est d'un côté, le policier de l'autre...

"On a toléré votre présence. Maintenant, c'est le matin, vous pouvez prendre le bus, le chauffeur vous laissera monter. Il y a des organismes au terminus du centre-ville, ou à la gare centrale..."

Je les connais tous, ces organismes. J'ai demandé de l'aide dans certains. Ma voie de sortie n'est pas par là.

J'observe l'homme à quelques mètres de distance. Il n'est pas d'apparence trop sale, trop "sdf"... Qu'a-t-il fait pour attirer l'attention et se faire jetter ainsi? J'essaie de deviner, de recréer sur ces quelques instants les heures qui ont précédé. En trouvant la faille, je pourrais peut-être me protéger un peu mieux. Qu'ais-je de plus ou de moins que lui, comment et pourquoi ais-je réussi et pas lui?

Ne restent que quelques hypothèses incertaines. Je vais tenter de rehausser mes standards encore d'un cran pour "disparaître", être invisible aux yeux de tous pendant quelques heures pour que ma nuit soit supportable.

Après deux semaines dans cette chambre glauque qui m'ont un peu plus encore enfoncé dans une image sombre de moi-même, j'ai eu une bouffée d'oxygène dans cette colloc sympa, ce bel appartement, avec des gens de divers horizons avec lesquels j'ai passé de bons moments. Je prépare des plans sur la comète pour essayer de rebondir avant que l'hiver ne m'enserre de son étreinte mortelle.

Je pensais pouvoir me dégager une petite marge de manoeuvre pour tenter une sortie, mais c'est à nouveau l'échec. Ma capacité de travail est par trop hypothéquée, notament par le temps que me prennent les simples manoeuvres de survie.

Sans argent, je retourne dans la rue, en m'inventant pour la n-ième fois un parcours raisonnablement adapté à la saison qui avance. Le gel, les nuits bien en dessous de zéro maintenant...

Je trouve, j'arrive à me recréer une routine. Mais les heures de sommeil de la nuit sont courtes, et je ne parviens pas à me rattraper le jour. Je m'épuise. Je vois l'impact instantané de la nourriture sur ma capacité d'agir. Sans réserve, je suis à nouveau sur la corde raide. Je transforme instantanément les calories absorbées en actions  pour essayer d'aller de l'avant, mais globalement, je me rends bien compte que je fais du sur-place.

Après quelques jours d'incertitude, à penser à des plans B et C, il semble que ma "potion d'invisibilité" fonctionne.

Est-ce parce que je suis suffisament bien habillé. J'ai sorti une veste de cuir achetée à l'armée du salut 20$ il y a quatre ans et qui fait encore bien illusion. Un jean beige neuf, acheté il y a quelques mois 3 dollars lors des soldes. Oui, j'ai l'oeil redoutablement exercé pour repérer le beau linge, viser juste au niveau style et taille, et dénicher des aubaines invraissemblables. Mon ex-femme était toujours d'abord frustrée (parce que c'est bien connu, le premier plaisir d'une femme, c'est d'essayer mille trucs pendant des heures avant de se décider à acheter un morceau de linge (j'aime bien cette expression québécoise!). Puis, après être rentrée à la maison, l'avoir remis et s'être observée sous toutes les coutures pendant des heures, décider de le retourner parce que finalement, peut-être que l'autre était mieux... Mon ex-femme était toujours frustrée, disais-je, quand je lui ramenais du linge parce que j'étais sûr que cela allait lui faire parfaitement, lui plaire viscéralement, et qu'elle l'adopterait émotionnellement pour le long terme... et sachant le risque que l'article ait disparu si j'attendais de retourner avec elle, je saisissais le morceau en me disant qu'au pire, je le retournerai moi-même. Elle restait néanmoins frustrée du fait de n'avoir pas pu faire tout le reste du cérémoniel de l'achat, mais finissait par reconnaître que j'avais bien fait de le prendre. Cela ne veut pas dire que je ne me livrais jamais à l'autre cérémoniel de temps à autre, juste pour son plaisir... Là encore, j'ai conscience que je n'étais pas totalement adéquat car je finissais par sortir du jeu épuisant de l'essai-critique-expression de l'indécision, de la frustration, et recommencer inlassablement...

Mon esprit autiste est hyper-performant dans sa capacité de regarder un morceau de linge et le projeter en trois dimensions sur le corps de la personne, évaluer en une fraction de seconde si la taille et la coupe correspondent (petite marge d'erreur possible à cette étape-là, car la coupe, pour une fraction de pouce d'écart, peut créer un faux-plis disgracieux lorsque sur la personne!), si le style va rentrer dans le style émotionnel de la personne, si le "kick" va durer, passé le retour à la maison et l'émoussage du temps.

Et cela fait que tu prends un truc, je regarde, je dis "non", ou "oui, essaie-le". Quand je ne dis rien, ou "je ne sais pas", ça veut dire "tu peux essayer, mais c'est en pure perte de temps". Et je n'aime pas perdre mon temps, mais bon, pour une fille, ce n'est pas une perte du temps, c'est un rituel bienfaisant...j'arrive à concevoir la chose dans l'abstrait de la théorie, mais bon, pas au delà! :-D

J'aime bien "magasiner" (autre mot québecois que je préfère à "shopping"), et les filles aiment bien magasiner avec moi car c'est des heures de jeu que je maîtrise assez bien (mon petit côté féminin assumé!). Je suis redoutable d'efficacité, connais tous les magasins de la ville ou presque, les bons plans, les bons prix. Je sais coudre, j'ai même ma machine, et travaille avec comme un pro (juste manque un peu de vitesse, mais résultat final garanti!). Au pire, au bout de quelques heures, me retirerais-je quelque peu dans une bulle d'où je pourrais continuer à observer le rituel sans trop intervenir. Mais à chaque fois que j'approuve un choix, les filles tombent amoureuses du linge choisi, m'en reparlent longtemps après. Et ça, c'est super cool!

Bref, lors des soldes, soit je tombe sur du linge hyper cher, qui même en solde reste hors portée de la plupart des bourses (la dernière fois, j'ai sorti des vestes à plusieurs milliers de dollars, réduites à un peu moins de mille dollars, mais vraiment très belles, et qui semblaient taillées sur mesure pour moi!), soit je tombe sur l'aubaine incroyable, comme ce jean Wrangler que je portre aujourd'hui, coupé parfaitement à ma taille, pour 3$. Les jeans Levi's et Wrangler en taille allant de 31-30 à 32-32 me font parfaitement. Le 32 de la jambe fait un léger plissement sur la chaussure, et je dois avoir un tour de taille de 31"1/4, 31"1/2, selon l'heure du jour... :-D

Les sacs que je portent avec moi sont sobres, noirs, passent partout, "invisibles".

Je vois cet autre sdf, avec sa valise bleu vif, sale, dont le noir de la saleté flash en contrastant avec sa couleur vive... Un aller-simple vers l'échec. Je lui donne quelques jours en ce lieu, encore!

Mais moi, combien de temps tiendrais-je ainsi ici? Passé la première semaine, je commence à retrouver une routine rassurante et qui me fait du bien, malgré cette insécurité et ce doute qui plane... Trois semaines plus tard, l'enjeu est de taille, car si la routine casse, la capacité pour moi de rebondir s'amenuisera considérablement!

Je change mes routes, mes heures, passe de longs moments dans les toilettes reculées, donc peu utilisées. Je laisse tout propre derrière moi, quitte à nettoyer la "merde" des autres pour ne laisser prise à aucun élément pouvant attirer négativement l'attention.

Je survis, un peu mieux que d'autres, toujours un peu "de luxe" malgré tout!

28/10/2012

Décalages...

Je continue de décortiquer ce livre, chapitre après chapitre, ainsi que beaucoup d'autres docs. Je remets ma vie en perspective au travers de ce regard "de l'interieur". C'est difficile. Difficile de se rendre compte à quel point je suis décalé dans mes perceptions. Mais pas dans celles au coeur de mes problématiques actuelles.

J'ai mis tout mon acquis dans des boîtes d'archives que j'ouvre une à une pour replacer leur contenu dans un contexte remis en perspective par mes six derniers mois de vie. J'ai remonté jusqu'à l'âge de six ans. Je suis totalement démuni de toute capacité de jugement. Je dois me reconstruire mon jugement un élément après l'autre. Par moment, je me dis que c'est impossible. Impossible la tâche de reconstruire une vie aussi dense. Impossible que j'ai réellement totalement déconnecté ce savoir accumulé de mon quotidien, de ma vie.

Et pourtant... je vis depuis 5 mois dans une bulle quasi hermétique.

J'écoute en boucle (pour moi, écouter en boucle, cela veut dire non stop, pendant des jours, du lever au coucher.... possiblement des centaines de fois) une chanson;

 

Les amérindiens, c'est un sujet qui fâche. Tabou. À éviter quand on discute avec la majorité du monde ici...

Les Mohicans font parti des Algonquins, tribus plutôt pacifiques à l'origine. Les Montagnais, occupant majoritairement le Québec, y sont également affiliés.

Les autres tribus québecoises,  guerrières, étant les Mohawks, de la famille des cinq nations Iroquoises.

Mais ce n'est pas de cela dont je veux vous parler... ce n'est pas pour cela que j'écoute cette musique en boucle.

Je l'écoute parce que son rythme lancinant me fait du bien. Je l'écoute parce que le texte me fait rêver... rêver que quelqu'un fera dix fois le tour du monde pour me sortir de l'enfermement.

Mais dans la vraie vie, c'est "démerdes-toi tout seul!" Donc, je continue à ramer contre le courant et tente de gagner un pouce de terrain après l'autre, après avoir reculé autant.

Je vais vous traduire un élément de ce livre

J'ai remarqué que certains Aspies (personnes atteintes du Syndrome d'Asperger. Ndlr) qui persistent à penser de façon rigide ont le plus de mal dans les contextes de socialisation. C'est comme si leur esprit n'a qu'une seule grande catégorie (de classement des éléments perçus.Ndlr), une boite ou seulement quelques unes dans lesquelles toutes leurs experiences vont. Ils n'ont pas appris à subdiviser les informations en sous-catégories, ce qui fait qu'ils interprètent souvent  mal l'experience ou les intentions des autres personnes.

En tant qu'adultes, ils recherchent la clé parfaite pour dénouer leur confusion, pour leur indiquer le sens de la vie. Mais il n'y en a pas une. Il en résulte beaucoup de confusion, une tonne d'émotions négatives dirigées contre eux, du stress et de l'anxiété. Je veux insister à nouveau sur le fait que la capacité de penser de façon flexible ne s'obtient que par un long entraînement. Cela ne peut pas se développer par des sessions de trente minutes deux fois par semaine. Plus on donne d'exemples à l'enfant, plus sa façon de penser deviendra souple. Plus elle devient souple, plus il est facile pour les personnes atteintes d'autisme de développer de nouvelles catégories et de nouveaux concepts.

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Texte original extrait de "The Unwritten rules of social relationships" -  Temple Grandin - Sean Barron"

I've noticed that some adult Aspies who still think in rigid
ways have the hardest time in social situations. It's like their
mind has just one big category, one box or only a couple of boxes
into which all their experiences go. They haven't learned to sub-
divide the data down into smaller categories, so they regularly
misinterpret the experience or the intentions of the other person.
As adults, they're looking for the one ultimate key to unlock their confusion, to give them the meaning of life. Well there isn't one. The result is a lot of confusion, huge amounts of negativity directed at themselves, and stress and anxiety.
I want to reiterate that thinking flexibly requires a lot of prac-
tice. It's not going to develop in a thirty-minute, twice-a-week
session. The more examples the child is given, the more flexible
his or her thinking can become. The more flexible the thinking,
the easier it will be for the person with autism to learn to develop new categories and concepts.

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C'est exactement ce qu'il m'arrive!

Aujourd'hui, je me rends compte que bien que j'ai développé quantité d'outils pour me sortir de mon enfermement, il me manquait l'essentiel.

Il me manquait la possibilité de classer les gens; une phrase m'a illustré cela en quelques mots. Ce n'est pas parce que quelqu'un te sourit qu'il est ton ami. (Donc, il me semble qu'il en découle également que ce n'est pas parce qu'il ne me sourit pas qu'il est mon ennemi). Cela parait trivial, mais je n'arrive toujours pas à me situer dans ce contexte relationnel.

Je n'ai que de toutes petites certitudes sur les gens. Je n'ai qu'une personne dont je suis sûr, absolument sûr qu'elle sera toujours mon amie. Genre sûr à 100%.

J'ai une bonne trentaine d'amis dont je suis pas mal sûr qu'ils seront toujours mes amis sur lesquels je peux compter, relativement. Genre 98% sûr...j'ai mis un peu de blanc dans mon noir pour obtenir une densité d'amitié qui reste proche de mon idéal, mais que je perçois possible de faillir sans que cela soit dramatique, juste humain. Ils sont précieux, plus que précieux pour moi.

Je n'ai jamais eu durant mon enfance de personnes auquelles je puisse me fier raisonnablement pour me permettre d'avancer avec confiance. Mais cela ne m'a pas fait des torts irrémédiables. Cela a juste ralenti ou parfois bloqué ma capacité d'évolution pendant un temps.

20:11 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sdf, itinérant, sans abris

19/10/2012

Flash back

Attablé dans un petit restaurant qui a la particularité de servir un steak-frite-salade pour moins de 15$ (10€) taxes incluses, je repense à ces derniers mois. C'est la deuxième fois que je viens ici. C'est mon deuxième steak en quatre mois. Il faut savoir que je suis un "beef-eater". Pas gargantuesque, mais cela fait partie de ma diète indispensable. Je n'ai mangé de la viande que 5 ou 6 fois durant cette période...

Le verdict est tombé, je suis anémié. Cette fatigue, cette incapacité d'agir normalement s'est retrouvée inscrite dans mon sang.

Alors j'entends les discours... "quand on veut..."

Je lis ces petits commentaires incendiaires du style "je donne une pièce pour m'apercevoir ensuite que le sdf a un smartphone alors que moi-même ne peux pas m'en acheter un..."

Je me projette; je ne mendie jamais, mais imaginons... je n'avais pas mangé normalement depuis des semaines, perdu 6 kilos...

Quand j'ai reçu un montant d'argent dû depuis longtemps par un client, je suis allé dans ce petit restau...je n'avais pas mangé un vrai repas depuis des semaines, et j'étais déjà manifestement anémié.

mais si j'avais mendié, et qu'une personne m'ait donné de quoi me payer ce restau... Assis devant mon steak... imaginons toujours... je vois une personne qui m'a donné une pièce un peu plus tôt me dévisager en se disant "je lui donne une pièce et regardez, il se paie un restau alors que moi..."

Alors, on donne, ou on ne donne pas! Mais de grâce, cessez de juger...

J'ai passé des mois dans la rue ces dernières années. Je n'ai pas vu UN SEUL sdf qui n'ai pas besoin de suivi psychologique ou psychiatrique.

"Oui, mais il y en a pour qui c'est un mode de vie..." ou "tu leur proposes une place en refuge, ils refusent..."

Avez-vous déjà été dans un refuge pour sans-abris?

J'y ai passé une fois quelques moments... un centre bien tenu, propre, mais la clientèle était lourde. Toxicos, psychotiques qu'on a sorti des hôpitaux psychiatriques dans ce mouvement d'allègement des centres et des frais reliés à la santé mentale... Quatre par chambre... cela parait raisonnable, mais quand les voisins parlent tout seuls, crient... Et je ne parle pas du vol, de la violence sous-jascente en permanence (si un résident en agresse un autre, ça ne fera pas les gros titres comme quand un dément en liberté tue un "honnête citoyen" lambda dans la rue. On lira peut-être deux lignes anonymes; "deux clochards s'entre-tuent dans un refuge!", si il y a mort d'homme seulement. La première fois où on les considèrera à nouveau comme étant humains... peut-être pour un jour justifier de passer un loi autorisant l'administration à prélever leurs organes sans leur autorisation... (croyez-le ou non, j'ai déjà entendu cela!)

Moins d'une heure dans ce centre et je serai monté sur le toit pour faire cesser ce calvaire d'un plongeon libérateur! Alors je suis retourné dans la rue, par moins quinze degrés, sans hésiter!

Alors si on me dit; "pourquoi tu ne vas pas dans une refuge", je dirais "je préfère encore la rue". Ce n'est pas un choix. Pour moi, la rue, c'est le dernier rempart avant la mort. Un refuge, c'est renoncer à être considéré comme un être humain. Un refuge, pour moi, c'est la mort!

Derrière chaque être humain dans la rue, il y a une histoire, souvent insoutenable à entendre. Je peux vous le dire, j'ai écouté, beaucoup écouté.

Une seule personne connait ma vie dans certains de ses détails les plus sombres. Cette personne avait été un enfant battu que son père lançait contre les murs (au sens propre!), tabassait jour après jour depuis aussi loin que remontait sa mémoire, au point où elle était consciente par moment que son cerveau était irrémédiablement endommagé par ces années de maltraitance. Cette personne qui a été violée, dont des vautours ont abusés, après avoir écouté mon histoire, a trouvé incroyable que j'ai pu survivre à tout cela, trouvant que ma vie avait été pire que la sienne. Et pourtant, moi, je trouvais sa survie plus incroyable encore... Rendu dans cette surenchère de l'horreur, que pensez-vous...? Deux borgnes au royaume des aveugles, est-ce que cela fait un voyant?

Alors, si vous voyez un sdf avec un smartphone, dîtes-vous que c'est souvent son dernier moyen de contact avec le monde, son dernier petit espoir. Dîtes-vous que quelqu'un lui a peut-être donné lorsqu'il s'en est racheté un neuf, comme je l'ai déjà vu... ou, comme moi, qui en ai sauvé un de sa misère. Oui, je suis un sdf de luxe, avec un ordinateur portable, un appareil photo, un lecteur MP3 et un vieux smartphone qui me permet d'être en contact plusieurs fois par jour avec le monde, pour tenter de ne pas perdre un contrat, surveiller la météo, appuyé sur le mur exterieur d'un café avec un hotspot, ou dans le hall d'une bibliothèque, pour pouvoir appeller via internet un client, ou un intervenant dans l'espoir d'un rendez-vous médical...

Et puis, donnez... ou ne donnez pas, mais de grâce, après avoir donné, ne jugez pas ce que la personne va faire de votre don, parce que nous sommes des êtres humains qui essayons, chacun à sa manière, chacun de son mieux, de sauver notre peau.

16/07/2012

Spiderman

Comme la plupart des gens, les araignées et moi...bof. Pas de haine, mais je ne les tolère pas chez moi. Jamais de produit chimique par contre pour les chasser. Et dehors, je les laisse vivre, les repousse un peu si elles se montrent trop envahissantes.

Mais là, c'est moi qui envahis leur territoire. Dans le coin d'un parc, ma bicyclette calée et moi couché à côté, elles ont vite fait de tisser leur toile entre mon vélo et son support. Et bien, ma plus grande crainte, les moustiques, me laissent relativement tranquile, du coup!

Alors c'est délicatement que je les déloge le matin, en partant. Et je vérifie si il n'y en aurait pas une, avec des super pouvoirs radioactifs, qui m'aurait piqué pendant la nuit.

Si vous entendez parler de gens qui auraient aperçu Spiderman à Montréal, vous saurez que...

Et je vous ferai grâce de parler du film qui vient de sortir...