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27/03/2013

Et là, je serai roi!

Bon, j'ai souvent dit et répété que je ne prends aucune drogue... C'est vrai que tout est relatif...

Ce qui est drogue pour l'un n'est que "produit naturel sans danger" pour l'autre.

Bon, alors je vous dit tout...

Ouais, quand je suis arrivé à Saint-Martin, une des premières chose que j'ai acheté...

humour_nutela.jpg

Ouais, un pot de 750 grammes... Quand ça se compte en grammes, c'est de la drogue, non?

J'ai mis une cuillère dedans, porté à ma bouche... ouais, une fois, puis une autre, puis une autre, puis ainsi de suite jusqu'à la dernière, puis la dernière-dernière. Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un tiers du pot, peut-être. En quelques jours heures minutes!

Ouais, j'assume comme toujours mon côté féminin! :-D

Et j'ai récidivé depuis! Ouais... et puis je bois du café (entre 750 ml et un litre et demi le matin...ouais, je sais, un litre et demi, c'est beaucoup! Et ma tante, infirmière, en voyant la couleur de mon café, a tenu à goûter. Sa remarque était à la mesure de la "solidité" de mon café). Je mange aussi du sucre, du sel...

Mais le cocktail doit être globalement relativement équilibré. Pas de diabète, pas de cholestérol, pas d'hypertension, une forme physique d'enfer...

If it ain't break, don't fix it! Comme disent les américains.

Si ce n'est pas cassé, pas la peine de réparer. On ne change pas une équipe qui gagne!!!

J'ai parfois fouillé le sujet. Le sujet du chocolat. J'ai toujours lu et entendu dire que la préparation était assez complexe. Bullshit! (mensonge, mais en vulgaire, en anglais!).

Parmis ceux qui me suivent depuis assez longtemps, peut-être certains se souviennent-ils de mon histoire martiniquaise? Les autres... je vous raconterai! L'histoire vaut le détour, je crois...

Je regarde un reportage sur une chaîne locale antillaise, qui m'apprend qu'avant la canne à sucre et la banane, la Martinique cultivait à grande échelle le cacao. Et je vois le cheminement du cacaoyer jusqu'à une chocolaterie  très haut de gamme de réputation mondiale, qui fabrique ses chocolats uniquement à partir des fèves martiniquaise. J'en parle avec mes tantes qui me disent qu'elle savent faire... je me souviens d'un "pain" de chocolat (entendez un bloc de cacao pur) qu'on avait donné à mon père quand j'étais tout petit, et qui nous régalait, rapé et mélangé à du sucre et du lait. Le sucre... il faut dire aussi qu'ici, j'ai accès à un sucre de canne dont vous (métropolitains et habitants du reste de "l'occident") ignorez tout! Oui, même le sucre de canne que l'on vous vend n'a rien à voir avec le sucre pur, humide, mouillé, gorgé de sirop de canne et tellement parfumé que l'on trouve ici.

Enfin, bref... j'avais mis une croix sur la fabrication du chocolat jusqu'à ce que...

Mes tantes m'amènent sur un terrain famillial où se trouve un cacaoyer. Un peu de débroussaillage, d'élagage, et la récolte des cabosses commence.

nutella,cacao,cacaoyer,chocolat

Voilà un de "mes" cacaoyers.

nutella,cacao,cacaoyer,chocolat

Et une des cabosses que j'ai récolté. Quelques kilos de fèves sont en train de procéder à une mutation. Je vais fouiller, fouiller, ajouter des noisettes, des arômes... et je vous garanti que je vais faire un chocolat bio qui n'aura rien à envier aux meilleurs de la planète!

Ouais, je serai le roi du chocolat bio! :-)

Et puis aussi, sur ces terres, du café, on ne peut plus bio également... du caféier à ma tasse!

Au fait, vous ais-je dit que j'ai enfin trouvé une tasse pour gaucher?

meilleur cafe du monde

24/03/2013

Adrénaline!

Aussitôt le cargo passé, je vire de bord à raz les cailloux. J'entame le bord qui va me mener vers un débridé de folie dans le chenal de sortie de la baie. Un front polaire pousse un amas météo que je vais essayer de devancer au maximum. La température a chuté à moins 6 degrés, le vent a forci à 45 noeuds (un peu plus de 80 km/h). La marée est descendante. La sortie est musclée.

Les cargos se suivent à un rythme impressionant. Je leur laisse toute la place. Comme à chaque départ en solitaire, je vis dans un état second. Je suis à la fois dans l'apréhension la plus totale, presque une terreur que mon esprit impose en mesurant pleinement la démesure, l'absurdité de ce que j'entreprends, sur un bateau trop petit, mal équipé, pas en état... moi qui ai tant répété que la mer, quand tu lui ouvres une porte, elle s'y engouffre. Cette loi de Murphy qui hante, pourchasse et rattrape invariablement le marin imprudent! Tu laisses la possibilité à un problème de survenir, il il invite tous ses copains, même les moins recommandables! Et je suis en même temps dans un état d'exaltation presque hystérique tant j'aime sentir le bateau surfer, vibrer de toute sa carcasse et donner à mon imagination le loisir de penser que le plaisir surpassera tout, une fois de plus. Je me répète comme un leitmotiv que je préfère de toutes façons mourir en mer plutôt que dans un accident de voiture. Mais je n'arrive pas à m'empêcher de frissoner à l'idée de mourir noyé. Le paradoxe insupportable!

Je passe les premières 70 heures sans dormir, accroché à la barre, cherchant à tirer tout ce qui peut l'être de cette météo à la fois difficile à cause des vents trop puissants et trop froids, et à la fois favorable car je ne pouvais espérer mieux que les voir souffler dans mon dos dès le départ! En même temps, je commence à prendre l'exacte mesure de ce qui m'attend en terme de navigation. Il m'est pour l'instant impossible de dormir. Le traffic maritime est trop intense, la mer trop forte, la côte encore trop proche. Et je commence à me rendre compte que la gestion du sommeil sera beaucoup plus dure que ce que j'imaginais.

21/03/2013

le cerveau...

J'ai vu ce film pour la première fois en décembre. Une copine qui me l'a fait découvrir.

Quand j'ai retrouvé le lien il y a quelques jours, je pensais qu'il durait une quinzaine de minutes, tellement chaque élément me parlait. Il est très bien fait. Il dépeint bien, par la diversité des autistes interviewés, la complexité du syndrome d'Asperger.

Mon autisme ne se perçoit pas du tout au premier abord. Il faut franchir bien des zones avant de s'apercevoir des manques, des trous dans mes capacités. Capable de résoudre les problèmes les plus complexes, je deviens totalement démuni devant les tâches les plus simples.

05:10 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

et puis...

Un texto m'informe que finalement, elle rentre plus tôt que prévu chez elle.

Je me dirige chez elle. Plusieurs de ses amis sont là. Elle s'excuse de changer son programme à brûle-pourpoint. Je la rassure sur le fait que  cela ne me dérange pas, au contraire.

Parmis  ses amis, un se démarque par sa répartie, son humour que je trouve acidulé à point.

Nous allons regarder un match de football américain opposant l'équipe de son état d'origine, l'Alabama, et l'Indiana, en dernier match de finale. Elle m'amuse avec son analyse pointue de chacune des équipes, la composition, les forces et faiblesses, les stratégies possibles. Elle me dit qu'en Alabama, il n'y a pa s grand chose à faire, alors le football américain...

J'aime bien le football, mais le spectacle est aussi dans le salon. Son enthousiasme devant la victoire écrasante de son équipe est communicatif...

Après le match, nous discutons à batons rompus. Ses amis viennent d'horizons très divers, tous très sympas, intéressants dans leurs spécificités.

J'apprends que ce gars à l'humour si incisif est un acteur, stand-up comique et auteur. Baratunde Thurston, auteur primé, best-seller du New-York Time pour son livre "How to be black" (litéralement; Comment être noir). Le livre est effectivement vraiment très sympa.

Voilà, je repartirai le lendemain avec un rayon de soleil, le souvenir d'une rencontre, de rencontres surprenantes, enrichissantes, qui me transportent encore dans le roman de ma vie!

 

HowToBeBlack.jpg

 

Le bateau dérive rapidement, mais j'avais pris soin de partir au début de la marée descendante, donc le courant me porte. J'évalue rapidement les options. En fait, le choix est incontournable. Je vais continuer à la voile. La rivière n'est pas large, ce sera sportif, souvent contre le vent, mais je ne peux pas faire autrement, tout est trop limite.

Trois jours plus tard, toujours à la voile, toujours vent de face, je suis entre les deux bouées de sortie de Norfolk. La nuit est tombée depuis deux bonnes heures. Je surveille nerveusement le traffic maritime. Je dois tirer deux bords en plein milieu du chenal des cargos. Rien à l'horizon, je me lance. Combiend de temps s'écoule? Je ne sais. Ce sont des secondes... trente... soixante... Quelque chose me vrille le dos. Je me retourne. Le cargo, sorti de nulle-part, à une vitesse très supérieure à ce qui est usuel dans ce chenal, est à deux cents mètres de moi, en pleine trajectoire de collision. Je suis incapable de définir sa route. Tout ce que je vois, c'est cette masse d'acier qui va me couler dans 15 secondes. Je calcule les options. Tirer à babord m'oblige à perdre 15 degrés sur le vent. Ces 15 degrés peuvent être la différence entre la vie et la mort. Je fonce sur tribord. Pendant de longues secondes, 4 ou 5, je pense que je suis perdu. Je m'apprête à prendre le bain, tout perdre. C'est l'hiver, un front polaire balaie la baie de Cheseapeake. "Je vais déguster", me dis-je. Je n'ai pas rencontré un seul bateau de plaisance depuis mon départ. La rive n'est pas très loin, mais l'eau est très froide. Cramponé à la barre d'une main, à l'écoute de génois de l'autre, je calcule... 6, 7... ça va passer! Je regarde la proue passer devant moi, à quelques mètres. Je lève la tête. Mon mât va-t-il être arraché par le pont en surplomb?

Non, je vois mon mât, quelques mètres sous la voute du bateau, se dégager tranquilement de la zone dangereuse.

Encore une fois, dès que les calculs m'ont donné l'option la plus probablement salvatrice, je mets tout en oeuvre pour en tirer le plein potentiel. Encore une fois, cela me sauvera la vie!

Je regarde le cargo passer le long de mon voilier. Il est énorme. C'est un porte-container de bien plus de deux cents mètres. Il est à près de trente noeuds, beaucoup trop vite pour cette zone. Dès qu'il est passé, je mesure pleinement l'ampleur de ce qui vient de se passer.

La loi de Murphy, "loi" anglaise, est également appellée en français chez les marins québécois "la loi des emmerdements maximum". Quand ils commencent en bateau, c'est une réaction en chaîne sans fin.

02:35 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2)

17/03/2013

le monde en marche...

harcelement.jpg

Voilà... ça, ça me fait mourir de rire!

Dead end

Dead end, c'est "voie sans issue"

Ce soir, je tiens ma promesse. J'avais dit ici qu'arrivé en Martinique, je viderai quelques fûts de rhum...

Bon, bien sûr, il faut comprendre l'exagération du narrateur. Qui pourrait vider un fût de rhum au sens littéral... ???

Et puis, en me connectant, je vois, comme régulièrement, ma prof de chant se connecter sur Skype.

Je raconte mes premiers pas dans le chant dans mon premier livre. OK, pas "fair", pas juste...

Je n'ai toujours pas publié mon premier livre! Allez-vous me dire.

Je sais, je sais... mais j'ai des contraintes de vie. Cela devrait se produire cette année. Des obstacles sont levés... enfin vont se lever en Juillet.

Mais quand même... je vous dit que deux professeurs ont voulu, manifesté le désir de m'avoir comme élève.

Le premier est un prof de haut calibre, ayannt une position prestigieuse dans le milieu. Le second est un des meilleurs enseignant de chant au monde je dirai dans le top 4. Encore ces bizarres de coïncidences de ma vie...

Tu rencontres une personne, tu sympathises. Elle te révèle qu'elle est prof de chant. Toi, tu es rénovateur de talent. Échange de cours de chant contre rénovation d'une maison, heure pour heure.

Et en quelques heures, tu comprends TOUT.

Parce que tu es autiste, tu peux mettre en perspective. Et tu commences à libérer ton flux. Libération salvatrice, car quand la voix porte, elle emmène tant de brumes...

Elle m'a proposé de continuer à me former sans me faire payer d'honnoraires (ses honnoraires sont à la hauteur de ses compétences, extrêmements élevés, probablement parmis les plus élevés dans le domaine). Mais je suis incapable d'accepter, même si je sais qu'elle ferait tout ce qu'elle peut pour continuer à me faire progresser. Alors, nous maintenons ce lien... on se voit l'un l'autre nous connecter sur Skype régulièrement. Elle attendra que je fasse un geste car elle sait, elle respecte. Je lui écrirai un roman pour lui expliquer. Car quand j'ai besoin, c'est le seul moyen (et c'est pour cela que j'écris, mais aussi que j'attends pour publier...)

Bref, aujourd,hui, je suis capable de comprendre la voix, de voir la technique présente ou qui fait défaut... comme un mathématicien, comme l'autiste que je suis....

Je vois tout... les détails, le potentiel, les défauts, les manques....

Si vous êtes à Montréal et que vous cherchez quelqu'un pour libérer votre voix, demandez-moi. Je vous garanti que vous ferez un chemin inimaginable au contact de cette prof de chant...!!!

Et au delà, un chemin pour vous, the dead end for me...

à corps perdu!

Chaque jour, chaque instant... j'ai le goût d'écrire. J'écris... J'ai besoin de structure pour fonctionner. Mon autisme m'enferme plus que jamais dans son étreinte parfois étouffante au point de vouloir juste cesser de respirer, lui laisser la priorité sur mon souffle qu'il détourne pour assouvir son besoin de me priver d'oxygène.

Les neurotypiques ne peuvent comprendre...

Je suis partagé entre le besoin de vous exprimer ce que je vis, parce que j'ai développé avec plusieurs d'entre vous une relation plus que réelle, parce que je voudrais pouvoir vous dire un jour "ça y est, je vais à peu près bien" et l'envie de le faire autrement, parce que ce blog est loin de remplir, de contenir tout ce que j'ai en moi. Parce que je voudrais vous inclure, vous faire passer du côté de ces gens que je cotoie face à face... Parce que je voudrais vous montrer tout, partager ce qui rend les gens heureux autour de moi quand je finis par transcender les blocages, quand je rends l'improbable possible, le rêve d'un instant magique...

J'ai envie de hurler, de déblatérer sans arrêt pendant des jours, jusqu'à ce que se tarisse, ou pour le moins s'assagisse le flot de ce que je voudrais exprimer et que je ne puis...

Peut-être le pourrais-je, un jour...

Ce court séjour à New-York m'a donné le "jus" dont j'avais besoin. Une personne que je ne connaissais pas du tout m'a apprécié pour ce moment partagé. Je me suis senti pour la première fois depuis des mois, des années, un être humain à part entière.

Puis je me suis enfermé dans mon monde, le monde de la mer, pendant des semaines, menant un combat à la vie à la mort. Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela fait de voir la grande faucheuse dressée devant soi, et se dire "il faut que je l'affronte à bras le corps, il faut que je colle mon corps contre ses os, contre son suaire répugnant, en évitant sa lame acérée, ses coups vicieux..."

J'ai mal partout dans mon corps, dans mon âme... je dois me replier à nouveau en moi-même pour trouver les ressources pour avancer encore d'un pas, un petit pas, en avant.

Mais qui pourra un jour me prendre la main? Qui pourra me sortir de cette ornière, de ce toît sans lumière, de ce ciel sans étoile, de ce jour sans soleil...

Tip, top, trip

Nous finissons de manger. La sangria servie me monte un peu à la tête. Nous allons marcher dans les rues. Mon hôtesse tient à me montrer une sculpture mobile. Nous nous amusons comme des enfants lorsque la sculpture géante en acier refuse de bouger. Je la charie gentiment en lui disant que c'est encore une fable de New-Yorkais.

 

Je finis par trouver le moyen d'initier le mouvement, et l'énorme masse se met à tourner dans un grincement strident. Des jeunes se joignent à nous dans le jeu.

Elle m'enmène ensuite dans un café où je devrai trouver mon bonheur, me dit-elle. Je lui avait dit que j'aimais le bon café au point de traîner une cafetière expresso dans mes voyages au long cours. Elle n'a rien oublié. Elle répond aux questions de mes mails auquels elle n'avait pas eu le temps de répondre. Elle me parle de son métier de "forensic psycholgist", qu'elle ne pratique plus actuellement, mais qu'elle sait qu'elle reprendra un jour. Elle me parle de l'impression que cela fait de se retrouver devant quelqu'un qui peut tout à coup avoir des pulsions meurtrières et vous agresser sans prévenir, de ces psychopathes bien réels qu'elle a cotoyé... impressionnant!

Le café est effectivement digne des meilleurs. L'ambiance douce, dans le style "old New-York" du décors, la véranda en fer forgé, tout est propice à l'immersion dans un monde de rêve. Nous goûtons mutuellement au plaisir de nous découvrir, comme un besoin, comme une nécessité, une évidence. Le passage du virtuel au réel est toujours un saut dans le vide, avec ses bons et ses mauvais côtés. Là, c'est vraiment un chemin qui nous apporte chacun ce que nous espérions. Une rencontre simple, un échange profond, et - j'avais été très clair et mis en avant la mention qu'elle faisait de sa relation de couple - sans ambiguïté.

Le lendemain, elle m'avait préparé un itinéraire pour visiter le mémorial du WTC, et donné quelques indications. Elle me mentionne que le soir, elle sort avec de ses amis, et donc qu'elle rentrera plus tard.

Je décide, après ma visite au mémorial du WTC de silloner la ville à pied, aussi loin que je pourrai, de Battery Park en remontant au nord, en faisant des aller-retour d'est en ouest, d'une rive à l'autre. C'est ainsi que je prends la mesure des villes, des endroits où j'arrive.

Et j'y vois également cette file de sans-abris devant un centre d'hébergement... Montréal, NYC, même combat!

sdf,homeless,New-York City,NYC,USA

 

 

Je marche trois heures chaque jour pour aller chercher des provisions, des pièces de bateau, passer un moment à la bibliothèque prendre mes messages et chercher sur internet où m'approvisionner.

Trois heures de marche sous la pluie. Plus les jours passent, plus je sens que mes options se réduisent. Le froid arrive. Il faut que je décolle, sinon, je vais droit dans le mur. Je n'ai pas encore le compte de provisions, loin s'en faut. Je calcule. La traversée va durer un peu plus de deux semaines. J'ai pour une semaine de nourriture, et douze semaines d'eau. Tous les paramètres seraient trop longs à expliquer. Je décide que j'étirerai les vivres et qu'ensuite, je jeûnerai.

J'ai pas mal jeûné ces derniers mois... ça ne me fait pas peur d'ajouter quelques semaines de galère. Ce ne sera pas pire que l'hiver qui envahi mon espace!

Le lendemain de la tempête de neige, je décide de larguer les amarres. J'ai fini par réussir à mettre en marche le moteur après quelques réparations et deux purges du réservoir de carburant. Advienne que pourra.

Je dois faire trois jours de moteur pour descendre l'Appomattox river et la James river pour arriver à Norfolk. Puis, sortir de la baie de Cheseapeake par le Bay Bridge-Tunnel.

De bonne heure le matin, je me prépare. Je laisse le moteur chauffer, vais dans le petit café de la marina saluer le gérant en attendant l'ouverture du pont de chemin de fer qui me bloque l'accès à la descente. Le signal d'ouverture est donné. Le voilier glisse doucement sur la rivière. L'aventure commence. Je passe le pont sans encombre, et tout à coup, le signal des emmerdes est lancé. Le moteur s'arrête. Je soupçonne un reste de cochonneries dans le réservoir de carburant, algues et eau, malgré les deux purges. Je sais déjà que le voyage sera dur. La loi de Murphy montre son nez. Je sais qu'elle ne faillira pas!

15/03/2013

Il y a les vivants...

il y a les morts, et il y a ceux qui partent en mer. Cette citation d'Anacharsis que mon frère m'envoyait il y a peu (l'attribuant à tort à Aristote), était la manifestation de son inquiétude de me perdre. Plus inquiet encore que ma mère, peut-être parce que plus "breton" qu'elle!

Le seul moyen à ma portée pour me rendre en Virginie est le bus. Ce sera long. Il faut que je fasse une étape à New-York, pour tenter de trouver au moins une partie des choses dont j'ai besoin pour remettre le bateau en état de naviguer. Je ne peux m'offrir une nuit en ville. Je décide de tenter le couchsurfing. Une fille me répond et m'offre une nuit chez elle. Je ne peux m'empêcher d'être un peu inquiet. Va-t-elle changer d'avis au dernier moment? Et si c'était un psychopathe? D'autant que sur sa fiche, son métier affiché est "forensic psychologist"; psychologue médico-légal. Pas courant, quand même!

Tempête de neige sur Montréal, je rate mon bus, l'averti que je serai en retard. L'inquiétude grandi. Je n'ai pas les moyens d'être pris à New-York dans la rue, avec mes bagages et tout ce que je dois y faire. Et je n'ai pas d'alternative... la méga-galère.

J'arrive à Port Authority, vais dans un cyber-café, car elle n'a pas répondu à mes derniers mails. Je n'ai ni son adresse, ni son téléphone. Ouf, un message avec son numéro de cellulaire (téléphone portable). Je lui envois un texto. Elle me répond, me donne les indications pour me rendre à la station de métro la plus proche de chez elle. Je suis sur mes gardes. C'est au coeur du Queens, que je ne connais pas, et la nuit est tombée.

Je sors de la station, suis ses indications. Je la vois, seule, les mains dans les poches, le cou rentré dans son manteau. Début trentaine, elle est vraiment très, très belle. Ce qui m'inquiète un peu plus encore. Serait-ce un coup monté? Ça pourrait être un traquenard avec des ficelles grosses comme ça! Je l'interpelle. Elle sourit. Les photos de moi lui avaient fait penser que j'étais plus grand... beaucoup plus grand que je ne suis. Elle attendait un géant de 1m95.

On commence à discuter en marchant en direction de chez elle. Elle a l'air "clean". Tout colle dans ses propos. Je gagne en confiance. Mais je suis un peu surpris de ne ressentir aucun doute, aucune inquiétude d'elle à mon sujet. Cela me surprend d'autant plus dans une ville comme New-York.

Arrivé chez elle, elle m'offre la petite chambre d'amis, et me demande ce que je veux faire. Je la laisse me guider. J'ai un petit budget bouffe, elle me propose d'aller au restaurant. Arrivé au métro, la machine à tickets refuse mon billet de 20$. Je lui demande si elle a de la monnaie. Elle me DONNE 10$ et refuse que je la rembourse. Je suis estomaqué!

Aussi touché que quand une de mes lectrices ici, ayant appris la perte de mon lecteur MP3, m'a envoyé de l'argent pour que je puisse m'en racheter un. Merci encore... infiniment!

Nous arrivons dans un petit restau latino, abordable, très sympa. On commande. Je crois que je choisis mieux qu'elle. Mes plats arrivent avant les siens. Je partage avec elle. Elle semble un peu déçue de ses plats quand ils arrivent, longtemps après les miens. Je partage à nouveau les miens, qu'elle semble vraiment apprécier. On discute comme de vieux amis qui ne se sont pas vu depuis longtemps, de pleins de choses, de nos enfances, de nos passions. Elle adore "sa" ville (d'adoption... elle vient en fait de l'Alabama), elle adore son quartier, le Queens, qu'elle n'échangerait pour rien au monde. Je resterai deux jours chez elle. Elle fera tout pour rendre mon séjour agréable. Elle écrira en commentaire sur le site de couchsurfing à quel point j'ai été un invité agréable, respectueux, reconnaissant, fascinant par mon vécu et la façon dont je le partage. "Absolutly lovely" dira-t-elle même en recommandant chaudement aux gens de ne pas hésiter à m'héberger. Je suis touché, vraiment. Presque désarçonné tant mon estime de moi est retombée au plus bas depuis mon retour dans la rue.

Mer,monde,bonheur

Anacharsis était impressionné par ces quelques centimètres de bordé qui séparaient le marin de la mer, de la mort. Allongé sur ma couchette, dans le carré, la tête contre la coque, je sens cette vulnérabilité.

Je suis sur le bateau depuis 10 jours. Il y aurait beaucoup de travaux à faire pour le rendre conforme à mes normes habituelles. Quand je suis arrivé en Virginie, il faisait 18 degrés et grand soleil. Je me suis mis en t-shirt. Depuis, il pleut. Et ce soir, je suis rentré sous la tempête de neige. Il fait zéro dans le bateau. Je n'ai pu faire presque aucun des travaux prévus. Il faut que je parte pourtant, sans attendre. Je ne peux pas reculer.

Au bord de sombrer dans le sommeil, je sursaute tout à coup, me reveillant en réalisant à quel point ce que je fais est excessif, en prenant la pleine mesure du danger. Je vais être sur une coquille fragile sur une des mers les plus dangereuses, d'après "ceux de la marchande" (expression signifiant les marins de la marine marchande). Je vais être seul, devant veiller et barrer 24h sur 24 (je n'ai ni pilote automatique, ni régulateur d'allure) avec des pauses de repos par tranche de 15 minutes maximum, à cause de la circulation intense des cargos dans le secteur, surtout en sortie de la baie de Cheseapeake et au sud des Carolines. 15 minutes, c'est le temps que peut mettre un cargo invisible à l'horizon pour te fracasser et te couler. Cela semble improbable, mais il y a beaucoup d'accidents de ce genre. J'ai déjà gouté à la météo de ce secteur, à ses tempêtes dures comme le silex, et je me vois tout à coup heurté par un cargo, écrasé par une déferlante, en train de couler sans possibilité de secours, car je n'ai ni radeau de survie, ni équipement adéquat. Et je me mets à penser que ce cauchemar est peut-être prémonitoire!